Invité par le comité des affaires publiques de l’Université Populaire suite à son élection comme chef du parti libéral du Québec, Jean Lesage, nouveau chef de l’opposition à l’assemblée législative du Québec, accepte de venir donner une conférence aux membres de la Jeune Chambre. Le comité demande à Claude de le présenter et il accepte. Plusieurs membres du comité de direction sont inquiets car ils connaissent sa couleur politique. L’événement a lieu, exceptionnellement, au Cercle Universitaire. Tout le conseil d’administration est présent car le moment est important. Lesage est l’adversaire de Duplessis et il est possible, à cause de l’âge du «cheuf», que Lesage devienne un jour le Premier ministre du Québec. Claude comprend bien son challenge et présente Lesage du mieux qu’il le peut et sur une note positive. Les membres du comité de direction le félicitent de l’impartialité dont il a fait preuve.
Lesage commence par affirmer «la nécessité de la disparition de la dictature et de la restauration de la démocratie et de la liberté dans la province». Claude ne dit pas un mot mais pense qu’il charrie royalement. «Nous avons la main tendue à l’égard de toutes les nuances et de tous les éléments sains de l’opposition. Ce qui importe aux libéraux ce n’est pas tant le triomphe du parti libéral en soi et pour soi, mais le triomphe de ses idées essentielles qui sont communes au peuple québécois ». Claude n’en croit pas un mot et se dit qu’il parle pour parler et manque totalement de sincérité en affirmant que les libéraux, qui sont dans l’opposition depuis 14 ans, ne veulent pas nécessairement le pouvoir mais le triomphe de leurs idées. «Nous les libéraux, nous sommes prêts à des compromis, mais non à des compromissions. Le parti libéral a des principes et une doctrine sur lesquels nous ne pouvons transiger. Cependant, nous sommes prêts à une conciliation raisonnable sur les modalités et les façons d’atteindre nos buts». Claude trouve ça beau ! «Si nous ne réussissons pas à gagner les collaborations que nous estimons importantes à notre œuvre, nous mènerons notre combat avec les effectifs qui étaient déjà solides en temps d’adversité et qui gagnent chaque jour en combativité et avec l’armée de ceux qui de plus en plus nombreux rallient notre camp de jour en jour». La main n’a pas été tendue longtemps et les effectifs qui étaient déjà solides sont les mêmes avec lesquels le parti s’est fait laver à la dernière élection.
Lesage réitère que son parti «a été le seul de tous les mouvements politiques à faire constamment face à la dictature depuis 1944». Claude se dit qu’il n’y va pas avec le dos de la cuillère. Suite à la défaite de Godbout en 1944, c’est, d’après Lesage, une dictature qui s’est implantée au Québec. Il oublie les élections de 1948, 1952 et 1956 qui ont donné à l’Union Nationale des majorités écrasantes. Claude est de moins en moins impressionné par le discours de Lesage. «Je suis confiant que l’offre de collaboration du parti libéral et son appel au ralliement seront entendus» dit Lesage en terminant. Claude se dit qu’à moins d’un événement majeur, Duplessis va l’écraser facilement car le discours qu’il vient d’entendre n’est qu’une vaste fumisterie. Il considère aussi que Lesage a manqué de jugement dans le choix de son texte et aurait dû parler de l’importance d’une opposition dans un gouvernement au lieu de venir faire un appel politique en opposition au régime Duplessis. La Jeune Chambre est neutre et ce n’est pas l’endroit pour être partisan car les participants sont là pour apprendre.
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