Pour un homme public, une condamnation à la prison aurait dû normalement être considéré comme un châtiment très sévère qui aurait des répercussions graves sur sa carrière politique durant le reste de sa vie. C’est du moins ce que croyaient les autorités anglaises au printemps de 1922, quand Lord Reading, alors Vice-roi, décida de faire arrêter Gandhi pour sédition.
Le Mahatma avait publié trois articles, dans le magazine « Young India », dans lesquels il invitait la population au boycott des institutions britanniques et à la désobéissance civile. Ses propos furent jugés séditieux et il fut arrêté en même temps que son éditeur Monsieur S. G. Banker.
Lord Reading était d’avis que son arrestation lui causerait un tel discrédit que Gandhi n’existerait plus comme homme politique après avoir été emprisonné. C’était bien mal le connaître; pour Gandhi, la prison était un outil essentiel de libération. Ce malentendu persista tout au long de sa lutte pour la liberté et les Britanniques lui rendirent le plus grand service en l’envoyant si souvent en prison.
Après la lecture de l’acte d’accusation, l’avocat général demanda à Gandhi s’il désirait faire une déclaration. Dans l’exposé qu’il fit, le Mahatma décrivit son cheminement à partir du sujet loyal et coopérateur qu’il avait été pour devenir un homme rebelle, hostile à tout compromis.
Dans son réquisitoire, il dénonça le gouvernement britannique, décrivit les injustices qu’il faisait subir à son peuple et la misère inhumaine dans laquelle il avait plongé l’Inde. « … je ne doute pas que l’Angleterre ait à répondre devant Dieu de ce crime contre l’humanité qui n’a peut-être pas d’égal dans l’Histoire. »
Il termina en disant qu’il était convaincu que la non-coopération avec le mal est un devoir. La publication de ces articles était un précieux privilège, même si elle a mené son arrestation. Il n’en éprouvait aucun remords et en conséquence il réclamait le châtiment le plus sévère.
Le juge le condamna à six ans d’emprisonnement en ajoutant que : « Si, plus tard, le gouvernement croyait opportun de réduire cette peine, personne n’en serait plus heureux que moi-même. »
Gandhi lui répondit : « … cette sentence est aussi douce que celle qu’aucun juge aurait pu m’infliger et jamais je n’aurais pu attendre plus de courtoisie de votre part. »
Lorsqu’il fut conduit à la prison, ses disciples tombèrent à genoux et plusieurs pleuraient. Gandhi lui, souriait; entrer en prison pour lui c’était comme pour un fiancé entrer dans la chambre de sa nouvelle épouse. La prison pour Gandhi c’était « l’hôtel de Sa Majesté », il aimait cette solitude qui lui permettait de se reposer, de prier, de méditer et de lire. Durant son incarcération, il eut le temps de lire plus de 150 ouvrages; Tagore, le grand poète de l’Inde, disait que la prison était pour le Mahatma une cure de repos.
Son exemple eut un effet d’entraînement extraordinaire au point que, durant toutes ces années de lutte pour la libération de l’Inde, ses disciples, par dizaines de milliers, se firent un point d’honneur d’être incarcérés. Être condamné à la prison était comme recevoir la Légion d’honneur…
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