Tolstoï à la fin de sa vie -. Gandhi au début de la sienne
La première opinion partagée par ces deux grands maîtres de la pensée portait sur la futilité de la construction de la Tour Eiffel. En visite à Paris pour l’Exposition Universelle, Gandhi considéra que la Tour : « N’étant somme toute qu’un immense jouet, était une excellente preuve de ce que nous sommes tous des enfants que séduisent les hochets. » Tolstoï, pour sa part, était le principal de ses détracteurs et il proclamait à qui voulait l’entendre qu’elle était un « monument à la folie ».
Plus tard, après avoir lu « Le Royaume de Dieu est en vous », Gandhi nota que « La Russie lui avait donné en Tolstoï, un maître (gourou) qui a donné une base raisonnable à l’Ahimsa (la non-violence). L’affinité entre les deux penseurs était telle que Gandhi croyait que : « Quand l’Inde sera libérée et la Russie spiritualisée, il n’y aura plus de différences entre elles. » Leur relation débuta par une lettre que le jeune avocat adressa de Londres à Tolstoï vers la fin de l’année 1909. Dans cette lettre, Gandhi expose les injustices subies par les Indiens du Transvaal suite à la promulgation par les Anglais d’une loi inique, avilissante, immorale et discriminatoire.
Il lui demandait l’autorisation de publier à 20,000 exemplaires la célèbre Lettre à un Hindou adressée par Tolstoï à C. R. Das, un révolutionnaire reconnu par « l’intelligentsia » hindoue. Tolstoï lui accorda l’autorisation demandée et une relation épistolaire s’établit entre les deux grands hommes. À travers les continents, le comte Léon Tolstoï guidait la pensée du jeune avocat.
Ce fut grâce à ses séjours en prison que le Mahatma put approfondir la pensée de Tolstoï. Il profitait du temps libre dont il disposait pour lire les livres religieux comme le Ghita, le Coran et la Bible et faire connaissance avec les œuvres d’auteurs dont : Socrate, Tolstoï, Ruskin, Bacon, etc. Il en venait même à regretter que les peines imposées par les juges britanniques soient si courtes.
La doctrine de Tolstoï avait tout pour séduire Gandhi. En quelques mots, elle se résumait ainsi: « Un chrétien ne se dispute pas avec son voisin; il souffre lui-même sans résistance plutôt que d’attaquer ou faire usage de la violence. Par son attitude à l’égard du mal, il se libère et il aide le monde à se libérer de toute autorité extérieure. » Tolstoï prêchait le refus de servir des gouvernements mauvais ou de leur obéir. Il croyait qu’aucun gouvernement ne tiendrait devant des hommes de ce genre. Gandhi en fit la preuve aux dépens du général Smutts qui ne comprit jamais ce qui lui arrivait lorsque les Indiens inspirés par Gandhi entreprirent de défier son autorité par la désobéissance civile. « La situation des gouvernements devant de tels hommes est si précaire qu’il faudrait très peu de chose pour les réduire à néant » disait Léon Tolstoï.
Il disait encore : « Le royaume de Dieu est en vous… Vous êtes ce que vous faites de vous… Vous n’êtes pas libres parce que vous ne vous libérez pas… L’amour de la vérité mène au royaume de Dieu… »
Par quel miracle de l’Histoire ces deux hommes si différents ont-ils pu unir leur destin. Leur révolution n’était pas économique ni politique, elle était celle de l’Esprit.
Au moment de la Déclaration de l’Indépendance, le gouverneur britannique déclara : « N’oublions pas que L’Inde a gagné son indépendance grâce à la théorie de la non-violence de Gandhi. » Bien que Tolstoï eut une influence considérable sur la pensée du Mahatma, les deux hommes avaient une vue différente sur le sujet. Pour Tolstoï, la non-violence était une fin en soi tandis que pour Gandhi, elle était un moyen d’action.était un moyen d’action.
Pas de commentaire