Il arrivera en retard mais qu’importe l’heure. Ce qui compte c’est qu’il soit là. Deux avions ? Un seul était prévu. Qu’est-ce qui se passe ? La ministre de la santé de Cuba leur dit qu’une soixantaine de journalistes sont du groupe et que Fidel n’a pu résister à ceux qui voulaient l’accompagner. La délégation comporte plus de 100 personnes. Pendant que Lucchési trouve une solution pour le transport, Claude rejoint le directeur de l’hôtel. Pas de problème, il peut accueillir tout le monde. Par contre, la ministre de la santé craint que Fidel ne puisse visiter l’hôpital, à cause du retard. Claude a la solution. Fidel ira directement à l’hôpital au lieu de se rendre à l’hôtel. Elle est rassurée. Un peu après 15h00, les avions sont dans le ciel de Montréal. Le maire arrive au même moment car son secrétaire avait suivi le tout de la mairie. Tout le monde est en place, le maire, Manon, Claude, le comité de direction de la Jeune Chambre et les «faux membres». Le maire a dans ses bras un jouet qui consiste en long camion de pompiers d’un rouge éclatant. Claude a bien souri quand il l’a vu s’approcher avec ce jouet énorme.
Les avions atterrissent et s’approchent lentement du comité d’accueil. Une clameur s’élève des milliers de personnes qui sont derrière les barricades. Claude estime la foule à deux ou trois mille personnes. Elles sont suffisamment loin, Fidel est bien protégé. La porte ouvre, quelques barbudos apparaissent et descendent l’escalier mobile qui a été roulé en place. Finalement Fidel Castro est là. Il s’arrête sur la partie haute de l’escalier, aperçoit la multitude au loin et fait de grands signes de bras. Elle crie à pleins poumons. Il descend et le maire lui remet le jouet en lui souhaitant la bienvenue à Montréal; un barbudos en prend charge rapidement. Claude donne la main à Fidel alors que Teresa Casuso, derrière lui, fait les présentations. Manon est fortement impressionnée par ce beau et grand homme et elle est enchantée de lui serrer la main. Il l’embrasse sur la joue. La clameur prend soudainement de l’ampleur. Claude se retourne et à sa grande surprise il voit la foule courir vers les avions, sur une largeur de quelques centaines de pieds. La police n’a pu contenir son enthousiasme et les barricades n’ont pas résisté. L’inspecteur dirige Fidel vers sa limousine avec Claude, mais Fidel résiste et s’écrit «my people, my people, I want to see my people». La centaine de policiers assignée à le protéger créent une barrière humaine, Fidel s’en approche et serrent les mains au dessus des têtes. Il semble se rendre compte rapidement que la situation devient difficilement contrôlable et accepte de bouger lorsque Claude l’attire vers la limousine. Les policiers forment un grand cordon de sécurité. Fidel monte sur le rebord inférieur de la porte d’auto et salue longuement la foule. Il embarque finalement et Claude le suit croyant s’asseoir à ses côtés mais il y a déjà quelqu’un à sa place. C’est Rufo Lopez Fresquet, le ministre des finances de Cuba. Claude déplie un petit banc au centre et prend place en face d’eux. Fresquet se présente. Après plusieurs minutes d’attente, Claude avertit Fidel qu’ils se rendront directement à l’hôpital. Celui-ci fait signe que non et dit «hôtel, hôtel..». Bon, la visite à l’hôpital est foutue… Il avertit l’inspecteur. La caravane démarre sous escorte policière motorisée de la ville de Montréal. Elle ouvre le chemin. Fidel pose quelques questions sur Montréal, le programme, et caetera, et demande qui l’a invité à Montréal. Claude est surpris par cette question et il lui parle de la campagne du jouet, Fidel fait signe qu’il le sait, et Claude ajoute qu’il est le président de la Jeune Chambre et qu’il l’a invité. Le chef cubain a l’air surpris mais il lui fait un sourire que Claude interprète comme en étant un de satisfaction.
Le cortège a pris le chemin de la Côte-de-Liesse et arrive au rond-point Décarie. Plus d’un millier de personnes sont là et attendent de voir Castro. Claude ne s’attendait pas à cela puisque le trajet n’a pas été dévoilé et conclut que les Montréalais sont plus fins que les policiers. Lorsque les conducteurs du cortège aperçoivent la foule, ils klaxonnent et le tout prend les allures d’une grande fête. Fidel dit «stop». Claude hésite. L’escorte continue. «Stop, stop », répète-t-il, «my people, my people ». Claude ordonne au chauffeur d’arrêter. Fidel ouvre la porte et debout encore une fois sur le bord de porte, il salue frénétiquement la foule d’une main en se tenant avec l’autre. Le cortège repart. Il y a des attroupements tout au long du parcours. L’enthousiasme est partout et la population crie et applaudit à son passage. C’est électrisant. Claude sent que Fidel est touché par ces démonstrations très amicales. Il affirme être impressionné par l’atmosphère latine qu’il retrouve à Montréal. Devant l’hôtel, la foule est massée des deux côtés de la rue. La limousine de Fidel s’arrête devant la porte principale de l’hôtel le Reine Élizabeth. Le maire est là ainsi que la haie des tuniques rouges de la GRC. Claude aperçoit les «faux membres». La porte ouvre. Fidel descend, donne la main à nouveau au maire et se retourne subitement, tout en disant «my people, my people». Il passe devant la limousine et traverse la rue d’un pas rapide vers la multitude de l’autre côté du boulevard Dorchester (aujourd’hui René-Lévesque). Elle était contenue sur le trottoir par les policiers mais elle est maintenant près du terre-plein en béton entre les deux voies du boulevard. Fidel serre une centaine de mains et parle à ses admirateurs qui l’entourent et l’acclament. Cela dure un bon quinze minutes. Finalement, les «faux-membres» et ses propres agents de sécurité l’entourent. Claude ne l’a pas lâché d’une semelle et lentement le «noyau» se reforme et rentre à l’hôtel. Pendant tout ce temps, les policiers canadiens responsables de sa sécurité désespèrent devant son attitude. Par contre, son garde-de-corps Jesus Pelletier, est resté près de la limousine regardant son patron entrer dans la foule. À un journaliste qui l’interroge, il affirme « Fidel est très en sécurité, Je ne suis absolument pas inquiet pour lui. Il y a peut-être des fous qui pourraient être dangereux mais le vrai monde ne l’est pas. Il l’aime». Claude ne comprend pas ce raisonnement mais il est clair que Fidel aime être libre et rencontrer à sa guise les gens du peuple. Il s’amuse comme un fou.
Le directeur général est là au centre du lobby où il a exposé un immense gâteau réplique du Habana Hilton. Il accueille Fidel et lui montre le chef d’oeuvre de son chef pâtissier. Fidel demande à Claude si ce gâteau est là depuis longtemps ou s’il a été fait pour lui. Pour lui, dit Claude. Fidel fait la moue comme s’il avait préféré le contraire. Il aperçoit une petite fille en robe de première communion dans les bras de son père et qui le regarde. Il s’approche, la prend dans ses bras et elle l’embrasse. Ses parents sont ébahis. Le «noyau» se reforme et dirige Fidel, Pelletier et Claude vers le hall des ascenseurs. Il est bondé de monde. Une porte s’ouvre et les agents de sécurité cubains y entrent, Fidel et Pelletier suivent. Plusieurs «faux membres» aussi et un de ceux-là voyant Claude captif dans la masse de monde l’accroche par son veston et le tire à l’intérieur. Les feuilles d’érable dorées font leur boulot.
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