Finalement, Claude apprend que le départ est fixé à 11h00. Il ne peut monter à la suite royale bien gardée par la GRC. Finalement, les Cubains descendent, trouvent une place dans les autos ou dans l’un des deux autobus qui sont alignés sur le boulevard Dorchester. Fidel arrive et prend place dans la limousine avec Teresa Casuso, Rufo Lopez Fresquet, Jinez Jesus Pelletier et Claude (qui s’assoit à l’avant, voisin du chauffeur) Fidel salue Claude, amicalement, en lui disant «gracias, gracias…». La caravane part sous escorte et se rend le plus vite possible vers l’aéroport. Durant toute la durée du voyage, une conversation intense a lieu entre Fidel et son ministre des finances Fresquet. Casuso intervient quelques fois alors que Pelletier ne dit pas un mot. Ils semblent discuter d’un sujet d’importance. Claude, malheureusement, n’y comprend rien. La limousine se rend directement près du premier appareil déjà en place sur la piste. Quelques journalistes sont présents. Fidel leur fait signe d’attendre et poursuit la conversation avec Fresquet près de l’avion pendant que tous les Cubains montent dans leur appareil respectif. Puis, il se retourne vers Claude, le prend par les deux épaules, le regarde dans les yeux et lui dit en français «Merci» et lui tape dans le dos, comme s’il voulait lui signifier «bien fait».
Il invite les journalistes à s’approcher. La première question porte sur une dernière dépêche d’une agence de presse qui annonce qu’un ancien général de l’armée cubaine vient de détourner un avion Viscount de Cubana Airlines en partance de Varadero Beach vers les USA. Il craignait que la justice révolutionnaire le rejoigne un jour et qu’il soit fusillé. C’est à la pointe du fusil qu’il força le pilote à changer de direction et à l’amener à Key West avec trois membres de sa famille. Le général Nolasco Rodriguez Diaz demanda l’asile politique aux USA. Rodriguez qui s’était retiré de l’armée en mai, avant la chute de Batista, explique qu’il a décidé de partir lorsqu’il a vu chaque jour les pelotons d’exécution fusiller à tour de rôle ses camarades militaires. Claude l’écoute commenter l’incident brièvement en haussant les épaules pour laisser entendre que les procès militaires sont inévitables car justice doit être faite contre les militaires et leurs comparses qui ont abusé et massacré le peuple cubain au nom de l’ancien régime.
Fidel fait signe qu’il doit monter dans l’appareil et partir. Il annonce qu’il sera quelques jours en Argentine et exprime l’espoir qu’il y sera reçu aussi chaleureusement qu’à Montréal. Il remercie la population de la réception qu’elle lui a accordée et ajoute: «Ce qui m’a fait le plus chaud au cœur, c’est la compréhension réelle et la sympathie sincère que j’ai reçues de tous côtés». Il remercie les Montréalais pour leur générosité en rapport avec la campagne du jouet cubain et promet de revenir dans la métropole.
Sur ce, il monte dans l’escalier mobile, deux marches à la fois, se retourne et salue une dernière fois: Claude, les membres de la Jeune Chambre, les policiers et tous ceux qui sont là. Les portes se ferment, les hélices tournent. Mais l’avion n’avance pas. Au bout de dix minutes, on roule l’escalier mobile vers la porte de l’avion et un barbuso en descend. Confus, il explique qu’il a oublié son arme à l’hôtel. Un officier de la police montée l’invite à l’accompagner dans une voiture de police de la ville de Montréal pour aller récupérer l’objet. Ils partent vers l’hôtel le Reine Élizabeth, la sirène à fond, et reviennent une trentaine de minutes plus tard. Puis, il y a un autre délai lorsqu’une hôtesse découvre qu’il y a de l’équipement à bord qui doit être dans l’avion des journalistes de la presse cubaine. Ils partent enfin. Il est 13h00. Claude remercie l’inspecteur de la police montée le priant de transmettre au commissaire-adjoint ses félicitations pour le travail de la GRC et d’avoir si bien protégé Fidel Castro et les membres de la Jeune Chambre. Il félicite chaudement Jean-Paul Lucchési qui a fait un travail du tonnerre. Toutes les activités se sont déroulées parfaitement malgré les contraintes et les changements qui se sont constamment présentés à eux.
À l’assemblée régulière du conseil d’administration, tenue le 4 mai dans l’édifice de l’Alliance, tous les membres se montrent fiers de la réussite de la visite de Fidel Castro et de la Campagne du jouet cubain. Claude ne manque pas de souligner que ce fut d’abord un excellent travail d’équipe et que ceux qui y ont contribué ont vécu des expériences uniques qui en feront de meilleurs leaders. C’est exactement le but de la Jeune Chambre.
Lucchési annonce qu’il prépare son rapport final mais qu’il doit tout d’abord faire les arrangements nécessaires pour la livraison des jouets à Cuba. Pour ce faire il faut déterminer un récipiendaire. Claude Dupras se souvient que Diaz Lanz, le chef des forces aériennes rebelles de Cuba, avait affirmé dans le télégramme de félicitations qu’il avait envoyé à la jeune Chambre avant la venue de Fidel, que «les forces aériennes se chargeraient du transport des jouets». Claude est sous l’impression que cette partie de leur travail était ainsi réglé. Il faut donc rejoindre Lanz pour faire les arrangements. Il s’avère impossible de le rejoindre. Claude appelle Teresa Casuso, impossible aussi. Il décide d’appeler au bureau du Premier ministre de Cuba et parle à Juan A. Orta, directeur général du bureau. Celui-ci s’informera. Il rappelle et dit que c’est impossible pour les forces aériennes d’entreprendre le transport des jouets et suggère que la Jeune Chambre les envoie par bateau. La solution, mais à quel destinataire ? Claude craint que si la Jeune Chambre expédie tous les jouets directement au bureau du premier ministre qu’ils disparaissent, chemin faisant. On en discute en comité et une proposition est retenue. La Jeune Chambre de Montréal devrait confier les cadeaux à la Jeune Chambre de La Havane pour qu’elle prenne la responsabilité de les remettre au gouvernement. Claude rejoint le président national de la Jeune Chambre de Cuba, Guido R. Odio et celui-ci s’engage à s’occuper personnellement de l’affaire. Odio est membre de la bourse de La Havane. Il écrit à Claude: «We the Cuban jaycees appreciate your trusting us these toys and can assure you that we will comply in all respects in a proper manner. We also thank you all very much for the opportunity you have given us to strengthen the bonds of friendship among our respective organisation ». Les jouets sont empaquetés dans d’immenses caisses en bois et mises à bord d’un bateau. Le 12 juin 1959, le Rydboholm quitte le port de Montréal pour Cuba.
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