Le 10 mars 1959, Claude dirige une délégation du Jeune Chambre de Montréal à l’hôtel de ville de Montréal pour présenter à son Honneur le maire Sarto Fournier un mémoire sur l’avenir de la métropole. Claude arrive à l’Hôtel de ville avant les délégués afin de remettre au maire, par courtoisie, une copie du mémoire. Il se rend au bureau de son secrétaire situé au rez-de-chaussée et, en entrant, aperçoit, par la porte entrouverte du bureau du maire, le premier magistrat de la ville en train de dormir dans sa grande chaise au dos élevé. Le secrétaire lui demande de laisser le mémoire sur le bureau car il ne peut déranger le maire. Claude aurait aimé lui résumer le mémoire mais se résigne. Il se rend dans le grand hall de l’hôtel de ville où la centaine de membres qui l’accompagneront commencent à se rassembler.
Le président national de la Jeune Chambre de Commerce du Canada, Jack O’Rourke est de passage à Montréal. Claude l’invite à se joindre à la délégation. Le maire est entouré de membres de son exécutif et de quelques conseillers municipaux dont Maurice Déry, le conseiller municipal de la classe «C» au siège de la Jeune Chambre de Montréal.
Le mémoire élaboré par le comité des Mémoires de Me Jacques Mongeau traite particulièrement de tourisme. C’est un sujet très important pour Claude qui déplore souvent les lacunes de la ville dans ce domaine.
La Jeune Chambre suggère au maire, et à la ville, d’organiser chaque été la «Fête de Montréal». Il voit cette grande fête durer une semaine, par exemple à l’occasion de la fête patronale des Canadiens-français avec l’apport caractéristique du feu de la Saint-Jean et du défilé de la Saint-Jean-Baptiste. Il suggère des évènements qui se grefferaient à cette fête comme un grand pageant historique, un tour du Québec par des cyclistes (comme le Tour de France) avec départ et arrivée à Montréal, une exposition, des régates, des spectacles artistiques, et cætera. (il n’y a pas à ce moment-là de festival à Montréal).
Claude propose que la première «Fête de Montréal» ait lieu dès cette année étant donné que des millions d’étrangers auront les yeux tournés vers Montréal à l’occasion de l’inauguration de la voie maritime du Saint-Laurent et propose une soirée spectaculaire avec la participation de la reine du «Canada», du président des Etats-Unis, des premiers ministres du Canada, du Québec et du cardinal de Montréal (l’Église a encore de l’importance).
Le mémoire s’attaque ensuite à l’«Office municipal d’initiatives économiques et touristiques», et suggère qu’il devienne un service municipal sous le vocable «Service du Tourisme» avec un personnel compétent et un budget adéquat. Encore mieux, une entente devrait être conclue pour que ce service soit placé sous la juridiction de la nouvelle Corporation de Montréal Métropolitain.
La Jeune Chambre croit que Montréal peut devenir un des principaux «centres de tourisme en Amérique du nord». Le mémoire souligne «la détérioration de l’esprit français dans la métropole au cours des 25 dernières années qui apparaît tout simplement tragique» et suggère que le nouveau Service du Tourisme s’évertue à faire améliorer le cachet français de la ville de façon à ce que les touristes y trouvent «un coin de France». Les membres ont remarqué, durant leur enquête pour la préparation du mémoire, que les renseignements donnés par les guides touristiques ne sont pas véridiques et ne répondent pas aux réalités historiques de Montréal. Pour corriger cette lacune, la Jeune Chambre propose que le nouveau Service du Tourisme contrôle l’émission des permis aux guides touristiques et ne les accordent qu’à ceux qui détiennent un diplôme à cet effet de l’Université de Montréal dont les cours pourraient être revivifiés. Par ailleurs, la délégation déclare qu’il est inconcevable que le fondateur de Montréal, le Sieur Chomedey-de-Maisonneuve soit aussi peu honoré à Montréal. Elle suggère que la nouvelle artère qui vient d’être construite, le boulevard Dorchester, soit rebaptisée par les autorités municipales «boulevard Maisonneuve» (une rue parallèle à Dorchester sera éventuellement nommée Maisonneuve et Dorchester deviendra René- Lévesque).
Enfin, les délégués proposent que des fêtes d’une ampleur gigantesque soient organisées en 1967 à l’occasion du 325ième anniversaire de Montréal.
En terminant la présentation du mémoire, Claude fait allusion aux efforts communs qui ont été faits par la Jeune Chambre, d’autres associations et la ville de Montréal pour l’éventuelle tenue d’une exposition universelle à Montréal. Il remercie le maire pour sa collaboration. Il est reconnaissant de la courtoisie avec laquelle la délégation a été reçue.
Le maire Fournier semble satisfait du mémoire et admet tout de go que Montréal n’est pas organisée de façon adéquate pour attirer et intéresser le tourisme. «Nous pourrions devenir un plus grand centre touristique» dit-il. Il parle des leçons à tirer de villes comme Londres, Paris et Bruxelles et souligne qu’il faut plus que des touristes spontanés. Le maire dit avoir réalisé des choses en créant un comité de l’industrie touristique mais reconnaît que «ce n’est qu’une goutte d’eau». Tout en déclarant que la création du Service du Tourisme est souhaitable, il affirme que le budget 1959-1960 ne permettra pas de donner suite à ce projet. Il ne commente pas la suggestion d’une grande «Fête de Montréal».
Puis le maire procède aux félicitations d’usage et remercie la Jeune Chambre de Montréal de sa collaboration. Il promet que son mémoire sera une source d’inspiration pour les autorités municipales désireuses de voir s’accroître le tourisme. En terminant, le maire invite Claude, le président national et les membres du comité de direction à signer le livre d’or de la ville pour souligner la présentation du mémoire.
En sortant de l’hôtel de ville, Claude pense au maire et conclut, intérieurement, «c’est pas fort ». Il vient de comprendre encore plus clairement qu’avec cet homme la ville ne trouvera jamais le dynamisme ni l’intelligence dont elle a besoin pour être transformée en une métropole moderne. C’est un beau parleur, un politicien aguerri mais il n’est pas, de toute évidence, un homme d’action et n’a pas les qualités nécessaires pour un tel défi. Claude est convaincu qu’il ne doit pas être élu pour un deuxième mandat et se promet qu’une fois sa présidence terminée, il oeuvrera à nouveau pour le retour de Jean Drapeau.
D’ici là, il encourage Drapeau en assistant aux conférences que l’ex maire a décidé de donner sur sa politique. Il va à l’école le Plateau et au cinéma St-Denis où les salles sont toujours remplies à craquer car Drapeau est un conférencier captivant dont les opinons sont recherchées. Au milieu d’une de ces conférences, Drapeau perd connaissance. Toute la population le croit malade mais heureusement ce n’est qu’une indisposition passagère
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