« Tout ce qui n’est ni une couleur, ni un parfum, ni une
musique, c’est de l’enfantillage » (Boris VIAN).
… à la musique
Cheraïa et Douéra
Par les noyaux d’abricots
Usés contre les pierres granuleuses
Troués sur leur côté arrondi
Transformés en sifflet au son doux.
Par le cœur des jeunes pousses de joncs
Chatouillant les lèvres pulpeuses
De leurs vibrations stridentes et infinies.
Par les longues tiges de roseaux
Imitant la flûte des bergers, plaintive et fabuleuse.
Par la course des doigts sur le piano.
… au parfum
Cheraïa et Collo
Aux premiers signes du printemps
Ces petites fleurs blanches exhalant
Leur parfum doux de vanille, d’anis, d’amande amère,
C’est l’héliotrope,
Parfum de ma grand-mère
Parfum si romantique de la Belle Epoque.
Sous le plein soleil d’été, à la chaleur,
La force et l’insistance d’une odeur,
Celle des feuilles de figuier,
Sucrée et boisée,
Que l’on hume avant de les voir.
Puis le lentisque au parfum si vert
Qui enivre lors des escapades sauvages
Dans le maquis au bord de la mer.
Et enfin ce parfum de sel et d’algues
Que l’on garde…
… à la couleur
dans l’Atlas Tellien
Les masses roses et bleues des hortensias à Cheraïa,
Celles blanches des boules de neige,
Et les grappes violettes des glycines à Souk-El-Haad
Rappelant les couleurs du massif du Djurdjura.
Les fruits mordorés des plaqueminiers
Sur les branches noires et dénudées
À Hydra et Cheraïa.
Les gerbes étincelantes, blanc cru, des fusées tombant du ciel
Dans le soir sombre sur le port de Collo.
Et celles des feux d’artifice multicolores
Jaillissant de la terre lors des fêtes des Bains-Romains.
Les fragments irisés de l’antique verrerie phénicienne
Au bord de la mer à Djinet.
Les disques d’or des phtères à Batna.
Et sous le soleil éclatant, ce miroir bleu
Aux reflets chatoyants de la Méditerranée.
… à la saveur
En Kabylie
Les gousses de caroubes, cornes brunes et dures,
Les jujubes, fruits ronds, violets et granuleux,
L’essaim des perles rouges luisantes des grenades,
Fruits sauvages ou produits de la culture antique
Subtilement sucrés.
Les fines tiges d’oxalis au goût acidulé,
Les éperons orangés et poivrés des capucines,
La gomme du pistachier, le précieux « amadagh »
Et son goût de résine.
Au ras de la terre aride, découvert par Rehba,
La rieuse kabyle complice de nos explorations,
Le cœur d’un chardon en étoile, chewing-gum insipide
Et pourtant mastiqué toujours avec plaisir.
Les petits artichauts amers fièrement dressés
Au milieu d’un bouquet de feuilles épanouies.
Sur la mer, recueillie dans le creux de la main,
Une gorgée d’eau fraîche au goût de sel et d’iode.
… à la gourmandise
Batna, dans les échoppes
Les phtères
Disques d’or
Grésillants
Transparents
Embaumants
Croustillants
Ourlés d’un large bord,
À Batna : les phtères
Du dimanche matin !
Et surprise sur Terre !
Tout brillants
Tout luisants
S’épanouissant
A mes yeux émerveillés,
Les mêmes, un matin,
Sur les rives du lac Balaton.
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