Les mariages d’enfants


Marié à un âge où un enfant ne songe normalement qu’à jouer avec sa bande de copains, Gandhi parlait en toute connaissance de cause lorsqu’il combattait la tradition séculaire hindoue des mariages d’enfants.

Dans son autobiographie, le chapitre III porte le titre « Mariage d’enfant » 1 et débute ainsi : « Je voudrais bien ne pas avoir à écrire ce chapitre… » Cela montre jusqu’à quel point il s’opposait à cette coutume barbare et cruelle.

À treize ans, le jeune Gandhi voulait exercer son autorité de mari sur sa jeune épouse; souvent, cela dégénérait en disputes amères entre les deux enfants. Bien que rien dans le comportement de Kasturbaï ne justifiait sa jalousie, il la tenait presque en réclusion. La fillette n’était du genre à supporter ces brimades sans réagir vigoureusement et plus Gandhi tentait de la contrôler, plus elle prenait de libertés.

Le fait d’être marié si jeune nuisait aussi sérieusement à ses études. En classe, Gandhi pensait constamment à son épouse. Il ne pouvait pas tolérer d’en être séparé et il ne pensait qu’à la retrouver à la sortie de la classe. Sa passion charnelle était heureusement tempérée par son sens aigu du devoir. Il dit dans son autobiographie que c’est grâce à cela qu’il a été sauvé de la déchéance physique et morale.

Un autre facteur a aussi contribué à sauvegarder leur union; la coutume cruelle du mariage des enfants était atténuée par une autre coutume qui ne permettait pas au jeune couple de faire vie commune sans interruption. La femme-enfant devait au cours d’une année passer plus de temps à la maison de son père que dans la maison de son jeune époux. Ainsi, après cinq ans de mariage, les enfants n’avaient vécu ensemble qu’un peu plus de deux ans.

« Cela fit leur salut à tous les deux »

Dans sa propre famille, Gandhi fit tout ce qu’il put pour que ses enfants se marient le plus tard possible. L’Inde souffrait déjà de surpopulation et les mariages d’enfants accroissaient gravement le problème. C’est pourquoi, durant toute sa vie, il s’attaquait à cette tradition chaque fois qu’il le pouvait.

Gandhi recommandait aux parent d’attendre que les fiancés aient vingt-cinq ans avant de les marier. À ceux qui vivaient avec lui dans l’Ashram, il imposait l’âge minimum de vingt et un ans pour le mariage des filles. Selon Gandhi, le mariage d’un enfant est un sacrilège et non un rite sacré.

Le pire fléau découlant de la pratique de mariages d’enfants était la situation abominable des veuves-enfants. Lorsque Gandhi a réalisé que l’Inde comptait plus de 325,000 veuves de moins de seize ans dont, près de 12,000 âgée de moins de cinq ans et 85,000 dont l’âge se situait entre cinq et dix ans il déclara que :
« L’existence de veuves-enfants est une tache sur l’hindouisme. »

Le remariage des veuves étant interdit dans la religion hindoue, un bébé fille dont le mari, qu’il soit bébé ou vieillard, décédait n’avait pas le droit de se remarier. Allant directement à l’encontre de la tradition, Gandhi proclama sur un ton de défi : « Je considère le remariage de veuves vierges non seulement comme désirable mais comme un devoir absolu pour les parents de ces veuves-enfants. » Aux fanatiques de la tradition, Gandhi opposait : « Elles n’ont jamais été mariées. »

Sa lutte a finalement porté fruit et la face de l’Inde a été changée. Les mariages d’enfants ont été abolis.

1 Expériences de vérité ou Autobiographie (Presses universitaires de France)