Stevens, Alfred
Fils d'un marchand de tableaux, le peintre belge Alfred Stevens, naît à Bruxelles en 1823. Il fait ses études à l'Académie de Bruxelles. Il a un frère peintre, Joseph, et est père d’un peintre, Léopold. Il devient l'élève de Jacques-Louis David.
S’installant très vite à Paris en 1844, Alfred est plus parisien que belge. Ses premières peintures dans la capitale sont un mélange de ses racines flamandes et de scènes intérieures. Sa peinture est réaliste et représente la vie quotidienne du bas peuple.
Vers la fin des années 1850, sa période réaliste prend fin. Il est accueilli, grâce à sa notoriété, par des femmes parisiennes à la mode vivant dans des intérieurs chics. Son œuvre, alors, reconstitue la bourgeoisie et son luxe par des décorations avec des objets tels que des bibelots exotiques. Il s’intéresse aux Indes, au Japon… ses femmes deviennent encore plus élégantes.
L'objectif réel de Stevens est de dénoncer la misère des villes et le traitement cruel réservé aux indigents. Son approche trouve écho chez Napoléon III qui déclare à la vue d'un tableau, lors de l'Exposition universelle de 1855, "Cela n'aura plus lieu". En conséquence, l'Empereur ordonne que les vagabonds soient désormais emmenés à la Conciergerie, dissimulés dans une voiture fermée, et non plus à pied !
Stevens obtient la Légion d’honneur alors qu'une amitié sincère se développe avec le peintre Manet qui lui présente tout un groupe d’artistes et de marchands de tableaux. Les années passent et son style se libère, avec une touche qui se rapproche des impressionnistes. Puis en 1900, on lui accorde une exposition individuelle à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, ce qui est une première pour un peintre vivant.
Vite, Alfred veut faire fortune. Il commence par peindre les drames sociaux. Il montre à l'expo, de beaux tableaux sur les pauvres. Et les salons français, émerveillés par son talent, lui commandent de nombreux tableaux mondains et il ne peut résister car il est attiré par la fortune et poussé dans le dos par son frère.
Ses "belles" si élégantes sont en réalité souvent des filles choisies sur les trottoirs de Paris. Elles acceptent de poser après avoir été "débarbouillées" et elles sont vêtues des robes les plus belles de l'époque. Elles posent dans les salons somptueux. En regardant bien les tableaux, on voit que leurs joues un peu rouges, leurs bouches pleines de gouaille et leur aplomb ne sont pas ceux de duchesses.
Il n'a pas son pareil pour "croquer" la belle émue par la lecture d'une lettre, ou prise par son doux chant, ou se regardant dans un miroir avec ses longs cheveux brillant dans la lumière rasante. Il s'enthousiasme pour le japonisme comme le montrent des tableaux aux décors faits de paravents japonais, ou d'un éléphant venu des Indes, dans des salons où "tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté", comme disait Baudelaire. C'est lui qui, ami de Manet, lui fit connaître le marchand de tableaux Paul Durand-Ruel qui lança Manet et le fit fréquenter Degas, Morisot et Baudelaire.
Mais à cause de tout cela, Alfred Stevens ne voit rien venir. Il ne prend pas conscience que son train de vie le mène à sa ruine. Il est heureusement aidé par la générosité de ses amis. Plus grave : obnubilé par l'argent, poussé par son frère à ne pas épouser le risque de la modernité, il ne prend pas conscience de la révolution impressionniste. Il utilise sa virtuosité à des tableaux certes très beaux, mais "rose bonbon", rococo, pour plaire aux riches dames.
Il meurt le 29 août 1906 à Paris.