La salle de récréation du collège est équipée de tables de billard. Un jeu de quatre bandes sans poche, à trois boules, qui consiste à marquer des points en frappant deux boules avec une autre. Jean-Claude a appris à jouer avec Charles-Émile qui l’a amené souvent à la salle de pool de la rue Wellington à Verdun et il est habile. C’est son jeu préféré au collège. La fin d’année arrive et c’est la période des championnats pour chaque sport. Il participe à celui de sa division (il appartient à celle des petits, il y en a aussi une pour les grands). Il élimine tous ses adversaires et se retrouve en finale devant celui qui a refusé de lui servir son repas le premier jour.
L’instant est décisif. La table de la finale est entourée d’une trentaine d’élèves qui veulent voir le match. Jean-Claude, qui se promène toujours avec son appendice dans sa bouteille au fond de ses poches doit, pour pouvoir jouer un coup où il est allongé le plus possible sur la table, sortir la bouteille et la placer sur le bord de celle-ci. Son adversaire, mine de rien, accroche le flacon du bout de sa baguette et le pousse. Elle tombe et éclate sur le plancher en terrazzo. Et l’appendice glisse sous la table. Jean-Claude en rougit de confusion. Le frère surveillant, qui n’a rien perdu de cette manœuvre odieuse, harponne le responsable par le collet. Comme il s’apprête à l’emmener au frère Cécilien, Jean-Claude s’interpose en minimisant la gravité de l’incident et en suppliant le surveillant de ne rien faire qui puisse empêcher la tenue de la finale. Il veut avant tout gagner ce championnat et l’emporter sur son bourreau. Le surveillant accède à sa demande. Jean-Claude ramasse les morceaux de bouteille cassée, récupère l’appendice en fuite et jette le tout à la poubelle. Le match commence. Il faut gagner deux parties sur trois pour l’emporter. Jean-Claude remporte les deux premières et devient le champion de sa catégorie.
Le lendemain, il rencontre par hasard son adversaire dans le corridor. Celui-ci s’approche pour s’excuser et le remercier de lui avoir évité d’être traîné chez préfet de discipline, le frère Cécilien. À coup sûr, cinq bonnes volées de strap l’y attendaient. Ils deviennent amis. Quelques semaines plus tard, un mardi après-midi de congé, son copain l’invite à venir jouer chez ses parents. Jean-Claude accepte, pensant qu’il s’en va dans une riche et grande maison bourgeoise. Il se retrouve sur la rue Laroche, à Montréal, dans un logement très modeste, au deuxième étage d’une humble maison. Son ami est le fils d’un simple ouvrier et d’une bonne ménagère qui gagnent leur vie péniblement pour payer le collège de leur garçon. Jean-Claude comprend alors qu’il a bien de la chance d’avoir des parents comme les siens.
L’année se termine sur cette note. Jean-Claude réussit bien ses examens. À la distribution des prix de fin d’année, il remporte le deuxième prix d’anglais, derrière son ami Bordeleau et le troisième prix d’arithmétique. Il est heureux de se retrouver en vacances après une année si mouvementée. Et Pierre-Paul, retombé dans les difficultés scolaires, l’est encore bien davantage!
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