Les épingles à linge


De retour à Verdun, ils passeront le reste de l’été sur la rue Beatty. Un jour, Antoinette manque d’épingles à linge en bois et ne parvient pas à en trouver. Elle trouve cela bien embêtant car elle n’arrive pas à accrocher tout son linge pour le faire sécher. Jean-Claude a une idée. Il a reçu en cadeau à Noël dernier un projecteur électrique Keystone pour pellicules de 16 millimètres, avec plusieurs films en noir et blanc d’une durée de sept minutes chacun (il a une aventure de Félix le chat, un film de Buster Keaton, le comique, un autre de l’unique Charly Chaplin, une aventure du célèbre Tom Mix, le cow-boy et quelques autres). On aime bien regarder ces films en famille. Plusieurs enfants du voisinage qui en ont entendu parler veulent les voir aussi. Jean-Claude suggère donc à Antoinette d’organiser une représentation dans la cour un soir et d’exiger une épingle à linge comme contribution d’entrée. Elle trouve l’idée bonne et le soir venu, aide Jean-Claude à suspendre un grand drap blanc au balcon d’en haut, à installer les chaises de la cuisine et celles des voisins dans la cour. Fiston prépare son projecteur, le pose sur une grosse caisse à oranges en bois et, derrière le drap, place son gramophone portatif qui joue des records (de grands disques) en bakelite. Pour les fins de la représentation, il choisit ceux dont la musique colle le mieux au sujet du film. Antoinette et Pierre-Paul s’occupent du son et Jean-Claude des images. Lorsqu’un film est terminé, la représentation est suspendue pour donner le temps à Jean-Claude de rembobiner le film et d’installer le suivant dans les engrenages du projecteur. Pierre-Paul en profite pour changer le record. La représentation dure plus d’une heure et la soirée est un grand succès. Jean-Claude récolte une quinzaine d’épingles à linge et c’est avec un grand sourire satisfait qu’il les remet à sa mère. Il a fait son effort de guerre!