Pèlerinage à St-Jacques-de-Compostelle 1999 (suite)
Juillet 11, dimanche. Je me gausse un peu de ma bonne fortune du point de vue de ma condition physique. Messe à la cathédralede Léon (photo à gauche) à 13h. Sieste. 17h visite guidée de la ville organisée par l’équipe des hospitalières. Orage sans conséquence mais il en tombe en trombe durant la nuit.
Juillet 12, lundi. Estampille, HospiTal de Orbigo.
3 jeunes universitaires espagnols me rejoignent dans ma marche en solitaire. Un de Madrid, l’autre de Valladolid et le dernier de Bilbao. Ils faisaient partie d’un groupe de 8 copains et finalement tout le groupe m’a adopté. Réservé une place pour moi à l’auberge, payé pour mon casse-croûte et servi du spaghetti préparé par eux pour souper. De plus, ayant oublié mon document de pèlerin à Léon, ils se sont débrouillés pour m’en faire faire un autre à Hospital de Orbigo où nous sommes arrivés après 35km de marche. Je leur ai payé la bière après le souper.
Juillet 13, mardi. Estampille, Albergue de camino de Santiago AsTorga.
Parti en solitaire sous la pluie. Je suis rejoint en cours de route alors que je cassais la croûte par trois Françaises, excellentes marcheuses que je peux suivre malgré mon ampoule. Beaucoup de difficultés à trouver le refuge à Astorga. C’est jour de marché et l’étal d’un marchand en cachait l’entrée. Il a fallu ensuite plus d’une heure avant l’ouverture, j’ai enfin déniché un lit. 15km entre Hospital de Orbigo et ici, donc pas fatigué et agréable visite de la ville tout l’après-midi. Sur la grande place un groupe de musiciens faisaient un tapage à tout casser. Airs de marche. Préparation pour la St-Jacques ?
Juillet 14, mercredi. Estampille, Refugio Gaucelmo.
Drôle de façon de fêter la fête nationale des Français à trotter par monts et par vaux sur 22km sur les routes et pistes d’Espagne. Une émouvante surprise m’attend à Rabanal del Camino. Il y avait queue pour s’inscrire pour coucher à l’Auberge (Albergue). À mon habitude, je me mets en fin de ligne lorsqu’un jeune hospitalier ayant appris qu’il y avait dans le lot un gars de 75 ans parti de Paris est venu me prendre mon sac en me disant que j’avais priorité. De plus deux hospitalières basquaises me prennent en main et me conduisent à mon plumard. À nous entendre baragouiner en basque, les gens attendant leur tour ont dû penser à une conspiration.
Juillet 15, jeudi. Estampille, Primer pueblo del Bierze.
25km de Rabanal del Camino à Molinaseca. Pas du gâteau ? Longue montée par route et piste finissant par une descente de 15km. Les cyclistes jouent au casse-cou malgré l’avertissement affiché près du sommet. Le village de Foncebadon une ruine totale habitée par une vieille femme avec deux chiens en 1987 est en rénovation. La clocher de l’église effondré avec ses deux cloches en 1987 est déjà restauré. Une bizarre de rencontre sur la piste après Cruz de Ferro, un gars galopant sur poney pie barbe et cheveux au vent s’arrête et nous raconte (j’étais accompagné par les trois Françaises rencontrées le 13) qu’il est Ardéchois et qu’il vit depuis 8 ans dans ce beau mais perdu bled.
Juillet 16, vendredi. Estampille, Albergue municipal de peregrinos Villafranca del Bierze.
Je vais ici faire un bref compte rendu des nouvelles et rumeurs qui circulent depuis 3 jours. Auberges et refuges ne peuvent accommoder la foule de pèlerins qui passent à leur porte. Les tentes d’urgence montées en vitesse ne suffisent pas et l’armée s’apprête à entrer en action pour pallier à cause de la règle « premier arrivé, premier servi » et la panique se fait sentir dans le comportement des pèlerins. Les gens décollent de plus en plus tôt. Hier soir, à Molinaseca, j’ai eu droit au dernier matelas placé sous un escalier. Ceux qui m’ont suivi, ont pour la plupart, continué la route jusqu’à Ponferrada, 5km plus loin par une température à faire cuire un œuf.
Autres rumeurs. Au lieu des 350,000 pèlerins attendus, la foule à Compostelle atteindrait le 25 juillet près de 1,400,000 personnes. Le roi Juan Carlos sera présent, ce qui fait qu’une affluence «inouïe» de touristes de toutes catégories est à craindre. Un zèbre français très au courant de ce qui se passe me dit qu’il sera impossible le 25 de mettre les pieds dans la cathédrale. De la même source, 3 pèlerins morts en route dont un qui s’était tapé 70km sans arrêt. Douche, mange, se couche et se réveille mort.
Ce vendredi 16. J’ai marché toute la journée avec deux belges rencontrés hier soir. Luc, un fonctionnaire militant de la gauche et Michel, prêtre en froid avec son évêque qui ne lui a même pas souhaité bon voyage. Luc claudique, combinaison d’ampoules et tendinite. Il pèse 112 kilos. En cours de route, j’ai eu droit à une entrevue avec une policière qui prenait des notes. 75 ans, parti de Paris, elle me dit que selon le fichier en main, je suis le plus âgé des pèlerins inscrits, le plus jeune étant un espagnol de 12 ans. Mon ampoule est sèche mais quand je marche sur un galet je la sens. Arrivée à Villafranca del Bierzo, 23km, brûlé comme la plupart des bipèdes. J’apprends qu’il n’y a plus de place à l’auberge, ce qui n’arrange pas la sauce. Mais voilà que deux jeunes voyant mon désarroi viennent à mon secours. L’un prend mon sac l’autre me dit de le suivre et me voilà à la réception de l’auberge pleine. Ce monsieur à 75 ans et vous n’allez pas le laisser coucher dehors. La fille leur dit si vous pouvez trouver un coin pour lui je vous le confie. Et ce fût fait. Ils me trouvèrent un coin et une couverture et me voilà heureux. Ce n’est pas tout : ils m’invitent à souper après avoir été acheté du riz qu’ils prépareront eux-mêmes. Jason, québécois/parents Beloeil, Sylvain de Lyon.
Juillet 17, samedi. Estampille, Cebreiro.
Grand jour ! La montée du Cebreiro 32km + 5 pour moi qui a emprunté la route au lieu de la piste pour me faciliter la marche. À 19h nous nous retrouverons devant des bouteilles de cidre, les belges, suisses, la française, divorcée de ses copines plus deux autres français. Tous trois très fiers d’avoir survécu au test d’endurance que représente cette étape. Nous allons dans 10 minutes nous retrouver dans la petite église pour la messe. Luc a dû se faire conduite dans une voiture balai pour finir la marche. L’histoire se répète et se répètera. Pas de place dans l’auberge. Je couche sur la fougère dans une tente marabout de l’armée espagnole. (Photo de gauche, amoncellement de pierres, le cairn, fait par les pèlerins qui ajoutent chacun leur pierre).
Juillet 18, dimanche. Estampilles, Meson BeTularia et TriacasTella.
Grand jour : Liliane arrivera chez Anne. Téléphoné pour confirmer. Journée facile pour moi. Hier soir j’ai consulté le toubib de la Croix-Rouge omniprésent en fin d’étape. Mon ampoule est sèche et guérie mais il me pose un pansement par sécurité. Parti seul pour Triacastellaà 7h du matin pour une petite étape de 21km. Me voilà intercepté par deux dames et une adolescente de 15 ans parlant basque et invité à déposé mon sac dans une familiale. Suggestion du toubib. Un jour de congé de port de sac qui m’attendra à Triacastella à mon arrivée. Encore un petit miracle ! Le départ du Cebreiro s’était effectué dans le brouillard. Température 10°. (Hier sur la route il faisait 39°). Inutile de dire que la surprise était grande. Fait un excellent repas hier soir en compagnie d’un commandant de gendarmerie et Pierre, officier de marine en retraite. Il m’arrive de fréquenter de hauts gradés.
Juillet 19, lundi. Estampille, Sarria Parroquia SanTa Marina.
130km à faire pour arriver au but. 19km au programme aujourd’hui. Départ 5h, arrivée à Sarria midi. Grâce à une intervention de Pierre je suis logé dans la chambre de consultation médicale. Je lui avait offert un verre de cidre pression (boisson préférée des deux) pour lui faire oublier une tendinite aigüe qui torture son mollet droit terriblement enflé. Il est de ce fait aussi hébergé à l’auberge qui ayant ouvert à 13h était pleine en une demi-heure. Incroyable le nombre de pèlerins sur les routes. À Triacastella hier places pour 300, affluence 800. Les marabouts n’ont pu accommoder tout ce monde. Pour la bouffe hier soir après la messe, le resto ou cinq places avaient été réservées (2 belges, 2 suisse et moi) nous avons eu la mauvaise surprise d’aller voir ailleurs, plus de ravitaillement. Les 19 bornes parcourues aujourd’hui, un vrai rêve. Très joli pays ressemblant au Pays Basque, temps doux, chemin très agréable, ombragé, et sans embuches. Parlé avec Liliane et Olivier cet après-midi. Avait auparavant visité une agence de voyage pour réserver une place sur le train Compostelle/Hendaye. Départ 9h. arrivée 20h33.
Prix du billet 5700 pesetas = 230 FF.
Juillet 20, mardi. Estampilles, PorTomarin Rede de Albergues de Camino et San Juan PorTomarin.
De Sarria à Portomarin 23km bâclés en 5h¼. Pierre qui m’avait dépassé en route a eu la gentillesse de me réserver une place dans la queue, ce qui a provoqué une contestation de la part de pèlerins espagnols arrivés bien plutôt. Mais il avait noté que les pèlerins espagnols entre eux pratiquaient la même chose sans que quiconque proteste. Mais Pierre leur a tenu tête en leur précisant que ce qui était toléré entre espagnols devait aussi l’être pour le français. Bref, nos sommes tous les deux accueillis parmi les 20 premiers dans l’auberge. Douche, lavage, repos le reste de la journée avec messe à 20h dans l’église reconstituée.
Juillet 21, mercredi. Estampille, Ligonde.
Les étapes se suivent et se ressemblent. 24km à faire pour se rendre à Palas do Rei. Le problème du manque de lit pour les pèlerins s’est terriblement amplifié et à l’entrée de Palas, l’armée à monté une centaine de tentes et c’est là que je m’attends à passer la nuit. Le camp habite déjà un grand nombre de jeunes qui ont fait un ramdam de 10h à 2h. Les pèlerins ayant besoin d’un sommeil réparateur et de fermer l’œil. Je marche sur Melide pour un total de 40km. Retrouvé Michel et Luc, cidre pression. Catherine et Emmanuel attendent leurs enfants partis de Suisse en fourgonnette avec les parents de Marie depuis 3 jours. Rendez-vous à l’église de Palas do Rei entre 13h et 14h30. A mon départ pour Melide à 14h45, je les laisse inquiets. Marie s’apprête à appeler les parents de Catherine. À Melide, malgré l’effarant encombrement un lit m’est donné. (Paris – 75 ans). 30 loustics espagnols louent une voiture pour expédier leurs sacs à l’étape suivante, priorité d’entrée. Ils sont interceptés.
Juillet 22, Jeudi. Estampilles, Paroquia de S. Tirso de Palas de Rey (Lugo), Santa Irene, Arca.
Melide/Arca, avant-dernière journée de marche 34km. Beaucoup de pattes blanches (personnes arrivées en train, par avion ou voiture pour effectuer des marches de quelques jours). Beaucoup de blessés et d’estropiés, claudiquant parmi la foule. Sommes depuis deux jours dans la zone forestière plantée de pins et d’eucalyptus. Ai vu et marché avec les trois enfants de Catherine qui se déplace en fourgonnette. Mal aux pieds. On m’annonce que l’on a parlé de moi à la télé.
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