TRAITÉS, ORGANISATIONS ET ALLIANCES INTERNATIONALES
15. Conformément aux règles du droit international, le Québec assume les obligations et jouit des droits énoncés dans les traités, conventions ou ententes internationales pertinents, auxquels le Canada ou le Québec est partie à la date de l’accession à la souveraineté, notamment ceux de l’Accord de libre-échange nord-américain.
16. Le gouvernement est autorisé à demander l’admission du Québec à l’Organisation des Nations Unies et à ses institutions spécialisées. Il prend également les mesures nécessaires pour assurer la participation du Québec à l’Organisation mondiale du commerce, à l’Organisation des États américains, à l’Organisation de coopération et de développement économiques, à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, à la Francophonie, au Commonwealth et à d’autres organisations et conférences internationales.
17. Le gouvernement prend les mesures nécessaires pour que le Québec continue de participer aux alliances de défense dont le Canada est membre. Cette participation doit cependant être compatible avec la volonté du Québec d’accorder la priorité au maintien de la paix dans le monde sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies.
CONTINUITÉ DES LOIS, DES PENSIONS, DES PRESTATIONS,
DES PERMIS, DES CONTRATS ET DES TRIBUNAUX
18. Les lois du Parlement du Canada et les règlements qui en découlent, applicables au Québec à la date d’accession à la souveraineté, sont réputés être des lois et des règlements du Québec. Les dispositions de ces lois et de ces règlements sont maintenues en vigueur jusqu’à ce qu’elles soient modifiées, remplacées ou abrogées.
19. Le gouvernement assure la continuité des programmes d’assurance-chômage et de prestations fiscales pour enfants ainsi que le versement des autres prestations effectué par le gouvernement du Canada aux personnes physiques domiciliées au Québec à la date de l’accession à la souveraineté. Les pensions et suppléments payables aux personnes âgées et aux anciens combattants continuent d’être payés par le gouvernement du Québec suivant les mêmes barèmes et conditions.
20. Les permis, licences et autres autorisations qui ont été délivrés avant le 30 octobre 1995 en vertu d’une loi du Parlement du Canada et qui sont en vigueur au Québec à la date d’accession à la souveraineté sont maintenus. Ceux qui seront délivrés ou renouvelés le 30 octobre 1995 ou postérieurement seront également maintenus, à moins qu’ils ne soient dénoncés par le gouvernement dans le mois qui suit l’accession à la souveraineté.
Les permis, licences et autres autorisations ainsi maintenus pourront être renouvelés conformément à la loi.
21. Les ententes et les contrats qui ont été conclu avant le 30 octobre 1995 par le gouvernement du Canada ou ses agences et organismes et qui sont en vigueur au Québec à la date d’accession à la souveraineté sont maintenus en substituant, s’il y a lieu, le gouvernement du Québec à la partie canadienne. Ceux qui seront conclu le 30 octobre 1995 ou postérieurement seront également maintenus en substituant, s’il y a lieu, le gouvernement du Québec à la partie canadienne, à moins qu’ils ne soient dénoncés par le gouvernement dans les mois qui suivent l’accession à la souveraineté.
22. Les tribunaux judiciaires continuent d’exister après la date de l’accession à la souveraineté. Les causes en instance peuvent être poursuivies jusqu’à jugement. Toutefois, la loi peut prévoir le transfert de causes pendantes en Cour fédérale ou en Cour Suprême à la juridiction québécoise qu’elle détermine.
La Cour d’appel devient le tribunal de dernière instance jusqu’à l’institution d’une Cour Suprême par la nouvelle constitution, à moins que la loi n’y pourvoie autrement.
Les juges nommés par le gouvernement du Canada avant le 30 octobre 1995 et qui sont en poste à la date de l’accession à la souveraineté sont confirmés dans leurs fonctions et conservent leur compétence. Ceux de la Cour fédérale et de la Cour Suprême du Canada venant du Barreau du Québec deviennent, s’ils en expriment le désir, respectivement juges de la Cour supérieure et de la Cour d’appel.
FONCTIONNAIRES ET EMPLOYÉS FÉDÉRAUX
23. Le gouvernement peut, en respectant les conditions prévues par la loi, nommer le personnel nécessaire et prendre toutes les mesures appropriées pour faciliter l’application des lois canadiennes qui continuent de s’appliquer au Québec en vertu de l’article 18. Les sommes requises pour l’application de ces lois sont prises sur le fonds consolidé du revenu.
Le gouvernement s’assure que les fonctionnaires et autres employés du gouvernement du Canada ou de ses agences et organismes qui ont été nommés avant le 30 octobre 1995 et qui sont domiciliés au Québec à la date de l’accession à la souveraineté puissent devenir des fonctionnaires ou employés du gouvernement du Québec s’ils en expriment le désir. Le gouvernement peut, à cette fin, conclure avec toute association d’employés ou toute autre personne des ententes pouvant faciliter ce transfert. Le gouvernement peut également mettre sur pied un programme de mise à la retraite volontaire; il donne suite à tout arrangement de retraite ou de départ volontaire dont bénéficiait une personne transférée.
CONSTITUTION TRANSITOIRE
24. Le Parlement du Québec peut adopter le texte d’une constitution transitoire qui sera en vigueur à compter de la date d’accession à la souveraineté jusqu’à l’entrée en vigueur de le nouvelle constitution du Québec. Cette constitution transitoire doit assurer la continuité des institutions démocratiques du Québec et des droits constitutionnels qui sont en vigueur à la date de l’accession à la souveraineté, notamment ceux qui concernent les droits et les libertés de la personne, la communauté anglophone, l’accès aux écoles de langue anglaise et les nations autochtones.
Jusqu’à ce que cette constitution entre en vigueur, les lois, règles et conventions qui régissent la constitution interne du Québec restent en vigueur.
AUTRES ACCORDS
25. Outre le traité de partenariat, le gouvernement est autorisé à conclure avec le gouvernement du Canada tout accord susceptible de faciliter l’application de la présente loi, notamment en ce qui touche le partage équitable de l’actif et du passif du gouvernement du Canada.
ENTRÉE EN VIGUEUR
26. Les négociations relatives à la conclusion du traité de partenariat économique ne doivent pas dépasser le 30 octobre 1996, à moins que l’Assemblée nationale en décide autrement.
La proclamation de la souveraineté peut être faite dès que le traité de partenariat aura été approuvé par l’Assemblée nationale ou dès que cette dernière aura constaté, après avoir demandé l’avis du comité d’orientation et de surveillance des négociations, que celles-ci sont infructueuses.
27. La présente loi entre en vigueur le jour de sa sanction.
Texte de l’entente entre Le Parti québécois, le Bloc Québécois
et l’Action démocratique du Québec
Un projet commun
Représentant le Parti québécois, le Bloc Québécois et l’Action démocratique du Québec, nous convenons d’un projet commun qui sera soumis au référendum, afin de répondre, de manière moderne, décisive et ouverte, à la longue quête des Québécois pour la maîtrise de leur destin.
Nous convenons de conjuguer nos forces et de coordonner nos efforts pour qu’au référendum de l’automne 1995 les Québécois puissent se prononcer pour un véritable changement: faire la souveraineté du Québec et proposer formellement un nouveau Partenariat économique et politique au Canada, visant notamment à consolider l’espace économique actuel.
Les éléments de ce projet commun seront intégrés au projet de loi qui sera déposé à l’automne et sur lequel les Québécois se prononceront lors du référendum.
Nous croyons que ce projet commun est respectueux des voeux d’une majorité de Québécoises et Québécois, qu’il est le reflet des aspirations historiques du Québec et qu’il incarne de façon concrète les préoccupations exprimées au sein des Commissions sur l’avenir du Québec.
Ainsi, notre projet commun rompt avec le statu quo canadien, rejeté par l’immense majorité des Québécois. Il est fidèle à la volonté d’autonomie des Québécois et fait en sorte que le Québec devienne souverain: perçoive ses impôts, vote toutes ses lois, signe tous ses traités. Notre projet exprime aussi le souhait des Québécois de maintenir un lien souple et équitable avec nos voisins canadiens, pour gérer en commun l’espace économique, notamment par la mise en place d’institutions communes, y compris de nature politique. Nous sommes convaincus que cette proposition est conforme aux intérêts du Québec et du Canada, mais nous ne pouvons bien sûr préjuger de la décision que les Canadiens auront à prendreà cet égard.
Enfin, notre projet répond au voeu maintes fois exprimé ces derniers mois que le référendum puisse rassembler le plus grand nombre de Québécois possible sur une proposition claire, moderne, ouverte.
Le mandat référendaire
Après une victoire du OUI au référendum, l’Assemblée nationale aura, d’une part, la capacité de proclamer la souveraineté du Québec et le gouvernement sera tenu, d’autre part, d’offrir au Canada une proposition de traité sur un nouveau Partenariat économique et politique qui vise notamment à consolider l’espace économique actuel.
La question incorporera ces deux éléments
L’accession à la souveraineté
Dans la mesure où les négociations se déroulent positivement, l’Assemblée nationale déclarera la souveraineté du Québec après entente sur le traité de Partenariat. Un des premiers gestes du Québec souverain sera la ratification du traité de Partenariat.
Ces négociations ne dureront pas plus d’un an, sauf si l’Assemblée nationale en décide autrement.
Dans la mesure où les négociations seraient infructueuses, l’Assemblée nationale pourra déclarer la souveraineté du Québec dans les meilleurs délais.
Le traité
Les nouvelles règles et la réalité du commerce international permettront à un Québec souverain, même sans partenariat formel avec le Canada, de continuer à bénéficier d’un accès aux marchés extérieurs, entre autres à l’espace économique canadien. De plus, un Québec souverain pourra, de son propre chef, garder le dollar canadien comme devise.
Toutefois, étant donné l’ampleur des échanges économiques et l’intégration des économies, québécoise et canadienne, il sera à l’avantage évident des deux États d’élaborer, par un traité, un Partenariat économique et politique.
Le traité engagera les parties et prévoira les mesures aptes à maintenir et à améliorer l’espace économique existant. Il établira les règles de partage des actifs fédéraux et de gestion de la dette commune. Il prévoira de même la création et les règles de fonctionnement des institutions politiques communes nécessaires à la gestion du nouveau Partenariat économique et politique. Il prévoira la mise sur pied d’un Conseil, d’un Secrétariat, d’une Assemblée et d’un Tribunal de règlement des différends.
Prioritairement, le traité verra à ce que le Partenariat ait la capacité d’agir dans les domaines suivants:
. Union douanière;
. Libre circulation des marchandises;
. Libre circulation des personnes;
. Libre circulation des services;
. Libre circulation des capitaux;
. Politique monétaire;
. Mobilité de la main-d’œuvre;
. La citoyenneté.
En fonction de la dynamique des institutions communes et du rythme de leurs aspirations, rien n’empêchera les deux États membres de s’entendre dans tout autre domaine d’intérêt commun, tel que:
– En matière de commerce à l’intérieur du Partenariat, adapter et renforcer les dispositions de l’Accord dur le commerce extérieur;
– En matière de commerce internationale (par exemple, pour convenir de positions communes pour le maintien de l’exception culturelle dans l’OMC ou l’ALÉNA);
– En matière de représentation internationale (par exemple, lorsqu’il jugera utile ou nécessaire, le Conseil pourra décider que le Partenariat parlera d’une seule voix au sein d’instances internationales);
– En matière de transport (pour faciliter, par exemple, l’accès aux aéroports des deux pays ou pour harmoniser les politiques de transport routier, par rail ou de navigation intérieure)
– En matière de politique de défense (pour convenir notamment d’une participation commune à des opérations de maintien de la paix ou de coordination de la participation à l’OTAN et à NORAD);
– En matière d’institutions financières (pour définir, par exemple, la réglementation sur les banques à charte, les règles de sécurité et de saines pratiques financières);
– En matières de politiques fiscales et budgétaires (pour maintenir un dialogue visant une compatibilité des actions respectives);
– En matière de protection de l’environnement (pour fixer des objectifs, notamment en matière de pollution transfrontalières ou de transport et d’entreposage de matières dangereuses);
– En matière de lutte au trafic d’armes et au trafic de drogue;
– En matière de postes;
– En toutes autres matières que les parties considéreraient d’un intérêt commun.
Les institutions communes
1) Le Conseil
Le conseil du Partenariat, formé à parts égales de ministres des deux États, aura un pouvoir décisionnel quant à la mise en œuvre d’un traité.
Les décisions du Conseil du Partenariat devront être unanimes, donc chacun y aura droit de veto.
Le Conseil sera soutenu par un secrétariat permanent. Le Secrétariat servira de liaison fonctionnelle avec les gouvernements et veillera au suivi des décisions du Conseil. A la demande du Conseil ou de l’Assemblée parlementaire, le Secrétariat fera des rapports sur tout sujet relatif à l’application du traité.
2) L’Assemblée parlementaire
Une Assemblée parlementaire du Partenariat formée de députés québécois et canadiens désignés par leurs assemblées législatives respectives sera créée.
Elle examinera les projets de décision du Conseil du Partenariat et lui fera ses recommandations. Elle pourra aussi adopter des résolutions sur tout sujet relatif à son application, à la suite notamment des rapports périodiques sur l’état du Partenariat que lui adressera le Secrétariat. Elle entendra, en audiences publiques, les dirigeants des commissions administratives bipartites chargées de l’application de certaines dispositions du traité.
La composition de l’Assemblée reflétera la répartition de la population au sein du Partenariat. Le Québec y détiendra 25 % des sièges. Le financement des institutions du Partenariat sera paritaire, sauf pour les dépenses occasionnées par les parlementaires, qui seront à la charge de chaque État.
3) Le Tribunal
Un tribunal devra être mis sur pied pour régler les différends relatifs au traité, à son application et à l’interprétation de ses dispositions. Ses décisions lieront les parties.
On pourra s’inspirer, pour ses règles de fonctionnement, de mécanismes existants, tel le tribunal de l’ALÉNA, celui de l’Accord sur le commerce intérieur ou celui de l’Organisation mondiale du commerce.
Le comité
Un comité d’orientation et de surveillance des négociations, formé de personnalités indépendantes agréées par les trois partis (PQ, BQ, ADQ), sera créé. Sa composition sera dévoilée au moment jugé opportun. Ce comité:
1) sera impliqué dans le choix du négociateur en chef;
2) pourra déléguer un observateur à la table des négociations;
3) conseillera le gouvernement sur la marche des négociations;
4) informera le public sur le processus et l’aboutissement des négociations.
Les instances démocratiques de nos trois partis ayant examiné et ratifié cette entente hier, dimanche le 11 juin 1995 – l’Action démocratique du Québec s’étant réunie à Sherbrooke, le Bloc québécois à Montréal et le Parti québécois à Québec – nous ratifions aujourd’hui ce projet commun et appelons toutes les Québécoises et tous les Québécois à se joindre à lui.
En foi de quoi, nous avons signé,
Jacques ParizeauLucien Bouchard Mario Dumont
Président du PartiChef du BlocChef de l’Action
Québécois QuébécoisDémocratique du Québec