L’enfance


En fin d’année 1937, le terrain adjacent au commerce de Charles-Émile et d’Antoinette est vendu à un certain M. Duquette, ferronnier de son métier et ami de la famille. Il entreprend la construction d’une quincaillerie devant aussi comprendre un imposant centre d’équipements nautiques. Ce projet nécessite la démolition du bâtiment qui loge la shop de Charles-Émile, le salon d’Antoinette et l’appartement familial. Ils sont donc contraints à se délocaliser.

Heureux hasard, un grand magasin au coin nord-est des rues Manning et Verdun, à quelques centaines de pieds de l’ancien commerce, devient disponible. Charles-Émile saute sur cette occasion exceptionnelle car le nouveau local a vue sur deux rues et a le double de la superficie de l’ancien. Le nom de leur commerce, le Manning Beauty Parlour and Barber Shop, prend alors toute sa signification. De plus, il y a un arrêt d’autobus sur le coin, ce qui génère un achalandage important.

Charles-Émile est heureux que leur commerce soit situé bien en évidence et compte bien sur cet avantage pour développer la clientèle. Il comprend l’importance de la visibilité et de la publicité. Pour la famille, il trouve un bon logement sur la rue Manning, entre Verdun et le boulevard Lasalle, au deuxième d’une maison de deux étages faisant partie d’une longue série de belles maisons identiques, toutes collées les unes aux autres.

Les déménagements ont lieu au printemps et en peu de temps les commerces connaissent un nouvel élan. La nouvelle shop comprend trois chaises de barbier et elle occupe le tiers avant du magasin. Pour sa part, le salon de coiffure comprend cinq espaces pour coiffeuses, dans la partie arrière. Une légère cloison d’étagères et de rideaux sépare la shop du salon.

Le magasin de M. Duquette devient vite populaire, car il a obtenu l’exclusivité de la vente des moteurs Mercury. Il trouve, chez les populations de Verdun, de Ville Lasalle et d’ailleurs qui vivent sur les rives du fleuve Saint-Laurent, un grand nombre de clients qui achètent chaloupes, moteurs hors-bord et une gamme complète d’accessoires pour le nautisme et la pêche. Le quartier est très animé, la clientèle du commerce de Charles-Émile et d’Antoinette s’en ressent favorablement.

Antoinette demeure la coiffeuse la plus en demande, bien que chacune de ses quatre coiffeuses soit très compétente et habile et se crée, à la longue, une clientèle personnelle. Les femmes de la bourgeoisie de Verdun se retrouvent au salon. C’est une clientèle exigeante qui apprécie le travail bien fait et sait remercier généreusement Antoinette et ses aides. Les heures de travail supplémentaires sont nombreuses et les coiffeuses ne s’y objectent pas car leur taux horaire est peu élevé. La combinaison du salaire et des pourboires permet à chacune de s’en tirer convenablement.