«Pourquoi ne pas vous inscrire à Polytechnique?» dit-il à Claude. Celui-ci surpris, a de la difficulté à réagir car il croit la proposition irréaliste. On est rendu à la fin août, il sait que tout le monde est déjà enregistré à Poly et que de toute façon s’il est accepté, il devra entrer en 1ière année à Poly. Ce serait stressant pour lui car l’année est difficile et en plus il serait humilié d’être en 1ière année alors que ses copains de classe de 1ière Science seront en 2ième année. Le frère David lui dit de ne pas présumer trop vite et, que s’il accepte, il appellera sur-le-champ M. Henri Gaudefroy, secrétaire de l’École Polytechnique pour vérifier si c’est possible pour lui d’accéder à cette institution. Claude se sentant perdu et devant rien, accepte. La conversation dure quelques minutes et le frère David, en accrochant le récepteur, lui annonce qu’il est accepté à Polytechnique…. Et en 2ième. Claude n’en croit pas ses oreilles. Il saute de joie, serre le frère David contre lui et admet qu’il n’était pas certain que la médecine était sa place. Il affirme avoir toujours été intéressé par les projets de construction. Il a travaillé sur de tels projets et il aime l’architecture. Le Directeur lui suggère de se rendre immédiatement à Polytechnique pour rencontrer M. Gaudefroy et obtenir ses papiers d’inscription. Claude le remercie chaleureusement et part d’un pas rapide vers la rue Saint-Denis qu’il descend jusqu’à l’École Polytechnique, située devant la cathédrale Saint-Jacques, un peu avant la rue Ste-Catherine Est (la nouvelle École sur la montagne n’existe pas encore).
Devant l’École, Claude est intimidé par le vieux bâtiment, monte les grandes marches jusqu’à la porte principale, entre, monte encore un escalier intérieur et se retrouve au rez-de-chaussée. Il est nerveux et impressionné. Il arrive au bureau du secrétaire de l’école à peine trente minutes après sa conversation avec le frère David. La secrétaire de M. Gaudefroy lui annonce qu’il y a un jeune Dupras qui désire le rencontrer. La porte du bureau s’ouvre et Claude voit apparaître un homme grand, plus grand que lui, mince, élancé, qui l’accueille avec un léger accent belge et lui tend sa grande main en lui souhaitant la bienvenue à l’École Polytechnique. Il l’invite à entrer dans son bureau. M. Gaudefroy est un gentilhomme, racé, simple, fort intelligent, d’une délicatesse hors de l’ordinaire et qui rend les gens à l’aise. Il est ingénieur et secrétaire de l’École Polytechnique depuisplusieurs années et en deviendra bientôt le directeur. Il accueille gentiment Claude, s’informe de lui, de sa famille, de ses études, de ses ambitions et vante le Mont-Saint-Louis comme étant le meilleur collège pour la préparation de jeunes à Poly. Il lui remet quelques pamphlets sur l’École et les papiers pour l’inscription. Il requiert la signature de Claude et de ses parents. Puis, il l’invite à le suivre au bureau voisin, de l’autre côté de l’entrée afin de rencontrer M. Ignace Brouillet, le président dela Corporation de l’École Polytechnique. Claude est émerveillé d’être là, lui qui à peine une heure plus tôt se sentait devant rien. M. Brouillet est un ingénieur-conseil de Montréal qui dirige une boîte importante «Brouillet et Carmel» spécialisée en charpente de bois et d’acier, en structures de béton et en vente d’acier d’armature qu’il achète des grands moulins. Il est très affable, gentil et Claude ressent que la nervosité qui l’envahit, depuis qu’il a mis le pied sur la première marche à l’entrée de l’École, disparaît peu à peu. La rencontre avec M. Brouillet dure une dizaine de minutes. Claude remercie le président et le secrétaire de l’École pour l’avoir reçu et de l’avoir accepté en 2ièmeannée. Il rentre chez lui, fou comme braque.
Claude arrive vers 18:00 à la maison et par hasard Charles-Émile et Antoinette sont là. En l’apercevant enfin, Charles-Émile s’écrit: «Avec ton air joyeux, c’est clair que tu as passé ton examen et que tu rentres en médecine». Claude répond: «non, j’ai coulé mon examen et je rentre à Polytechnique, en 2ième année!». Ses parents sont stupéfaits. Il a coulé. C’est la première fois que cela arrive. C’est impensable. Ils sont sur le point de lui dire leur façon de penser lorsque Antoinette demande: «Polytechnique, c’est pour faire un ingénieur?». «Oui» répond Claude. Peu de gens à Verdun connaissentl’École Polytechnique et la carrière d’ingénieur. Si Claude n’avait pas, dans le passé, parlé de ses amis qui entraient à Poly, Antoinette l’aurait ignoré également. Ses parents ne connaissent aucun ingénieur sauf Charles-Émile qui sait que la ville de Verdun vient d’engager un jeune ingénieur du nom de William Paul. Claude s’empresse de les rassurer. Il leur apprend qu’il n’était pas certain d’aimer la carrière de médecin mais qu’il est sûr qu’il aimera celle d’ingénieur. Il explique ce que font les ingénieurs, les grands projets qu’ils réalisent, tous les domaines dans lesquels ils oeuvrent. Finalement, Charles-Émile et Antoinette sont confiants que Claude ait réellement trouvé sa voie.
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