Structure et fonctionnement
La programmation
La compagnie aurait intérêt à établir sa saison le plus tôt possible en fonction des ressources du pays. Le Canada compte maintenant une bonne quarantaine de chanteurs de calibre élevé, facilement comparable à celui des Américains que nous invitons à chanter ici chaque année. Nos ressources nationales permettent donc déjà de présenter la plupart des œuvres du répertoire. Pourquoi chercher plus loin (sinon, peut-être, pour faire plaisir aux imprésarios?) Si la compagnie montait Carmen, par exemple, elle aurait besoin d’une Carmen, d’un Don José, d’une Micaëla et d’un Toréador. Avons-nous de bons interprètes de ces rôles au Québec ou au Canada? Oui, bien sûr. Mais si ce n’était pas le cas, il ne faudrait pas hésiter à mettre un autre opéra au programme.
Autrement, nous créons des situations totalement aberrantes. Exemple: l’Opéra de Vancouver a engagé en 1996 trois chanteurs américains et un Chinois pour chanter Faust, un opéra français! !! Or nous avons au Québec une excellente Marguerite (la soprano Lyne Fortin), une excellente Siebel (la mezzo Odette Beaupré) et un excellent Valentin (Gaétan Laperrière). Le français est la langue maternelle de ces trois artistes. Où est le bon sens là-dedans?
La compagnie devrait envisager de produire d’ici quelques années une dizaine d’opéras par saison, plutôt que sept comme c’est le cas à l’Opéra de Montréal. Ici, une comparaison s’impose. A Bordeaux, Toulouse, Nîmes, Montpellier, Nancy, Strasbourg, Rennes, Metz, Rheims, Lille, et j’en passe, l’opéra local monte une quinzaine de spectacles par année. Toutes ces villes françaises sont à peu près de la taille de Trois-Rivières. Ne pourrait-on pas en faire autant à Montréal?
Les salles de spectacle
Il y a lieu à mon avis de diversifier les lieux de spectacle.
Les opéras produits par la troupe permanente ne seraient pas nécessairement présentés à la salle Wilfrid-Pelletier. Aida, Turandot, Rigoletto, Carmen et les autres ouvrages à grand déploiement continueraient de l’être. Mais pas les opéras. de chambre, les Mozart, les Rossini, les Bellini, ni les opérettes. Les plus petits ouvrages, de toute façon, sont desservis par les salles de 2500 places. Ces dernières manquent d’intimité. Il est très difficile d’y recréer fidèlement l’atmosphère originale des œuvres.
Pour monter un opéra de Mozart, il suffit d’un orchestre de 37 musiciens, contre un minimum de 55 pour Verdi. Les choristes y sont nettement moins nombreux aussi: 20 ou 30, comparativement à 60 ou 70 dans les grandes productions. Quant aux décors, ils représentent dans Mozart presque toujours des intérieurs (salons, chambres, antichambres). Pas besoin pour ces ouvrages de fabriquer d’immenses dispositifs comme dans Carmen ou Otello.
La troupe devrait présenter les œuvres de dimensions plus modestes au Théâtre Maisonneuve (comme l’Opéra de Montréal a enfin entrepris de le faire) ou encore au Monument national qui, tous deux, sont dotés de fosses d’orchestre.
Les décors d’opéras de chambre présentent un autre avantage non négligeable: ils se déplacent plus facilement. L’Opéra de Montréal loue de l’extérieur, depuis quelque temps, un bon nombre de ses productions-(décors, costumes, accessoires), ce qui a permis de réduire les coûts. Très bien. Il en offre aussi en location à d’autres maisons, comme celle de Roméo et Juliette. Encore très bien. Mais nous avons ici d’excellents artisans de la scène, des gens dont la compétence et l’expérience sont reconnus: scénographes, costumiers, metteurs en scène, techniciens, éclairagistes, accessoiristes, etc. Pourquoi ne pas produire un plus grand nombre de petits opéras? Il serait relativement facile, il me semble, de louer ensuite ces scénographies maison aux très nombreux théâtres du Canada ou des États-Unis qui, comme le Maisonneuve, ne peuvent pas accueillir les productions géantes.
De l’opéra léger pour l’été
Je propose aussi de prolonger la saison d’opéra. S’il est de bonne qualité, le public sera au rendez-vous. Le théâtre d’été le prouve. Il suffit de présenter une œuvre légère, un Barbier de Séville, un Mozart, ou encore une opérette: L’Auberge du cheval blanc, La Belle Hélène, La Périchole, que sais-je, le choix est immense! Le Théâtre Saint-Denis, le Théâtre du Nouveau-Monde, le Monument National ou la salle Maisonneuve, qui ont tous des fosses d’orchestre, s’y prêteraient bien. L’opéra en juin ou juillet, j’en suis sûr, attirerait un tout nouveau public. De plus, il constituerait un autre attrait touristique de premier ordre pour Montréal.
Un «club ferme»
Enfin, je créerais un «club ferme» à Québec, c’est-à-dire une troupe professionnelle d’apprentis. Il en est des jeunes chanteurs comme des jeunes sportifs: il faut leur permettre de s’initier graduellement aux exigences de leur métier. Bien encadrés, ils feraient leurs premières armes au Grand Théâtre. Leur apprentissage professionnel terminé, ils accéderaient à la compagnie principale.
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