au 20 novembre 2002


Ce dialogue couvre la réaction américaine à la résolution de l’ONU en rapport avec l’Irak et du peu de considération qu’ont les Américains pour l’ex président Carter.

20 novembre 2002

Claude: Je suis en accord avec toi. Il est un petit président. Mais il est un gagnant. C’est une belle qualité pour un politicien mais qui oblige celui qui en est béni d’avoir un sens de responsabilité élevé. A le regarder évoluer, nous comprenons bien vite, toi et moi, que le quolibet «ti», avec lequel je l’ai affublé, est très précis. Il est impressionnant. Il est difficile à suivre car il saute les obstacles, qu’il crée, avec une facilité déconcertante. Il va de succès politiques en succès politiques. Il se donne des ennemis à un rythme effarant. Il bafoue des ententes passées comme si la parole donnée était une erreur. Je crois qu’il fait un tort immense aux Américains, mais eux ne pensent pas comme moi. Il est un bel exemple d’un vrai politicien, à l’ancienne, pour qui tout ce qui compte est le pouvoir et qui prend tous les moyens pour réussir.

Mansour: Ces derniers jours j’ai été particulièrement intéressé par trois sujets: la réaction de l’administration américaine et des «mass media» américains à la réponse officielle de l’Irak à la dernière résolution du conseil de sécurité un article concernant les relation américano-haïtiennes et enfin ce soir même un interview de Jimmy Carter, ancien présidentdes USA, par Larry King. Je crois que ces trois sujets méritent d’être discutés sérieusement entre nous du moins.

Dès que l’Irak a officiellement accepté toutes les conditions de la résolution du conseil de sécurité, et en réponse apparemment à certains commentaires su secrétaire général des Nations-Unies, Bush s’est empressé de rappeler non seulement à son auditoire fasciste américain, mais plus important encore à la délégation onusienne qui est supposée mettre en oeuvre la résolution du conseil de sécurité, que son administration n’allait pas tolérer toute réticence de la part de l’Irak et qu’elle s’arrogeait le droit de définir justement le degré de tolérance que l’Irak ne devait pas dépasser. De plus toute la presse américaine a immédiatement emboîté le pas de Bush en essayant de convaincre l’opinion publique américaine que si Saddam Hussein déclarait qu’il n’avait aucun programme d’armement massif interdit par la résolution cela serait la preuve que l’Irak une fois de plus essayait d’éviter ses responsabilités vis-à-vis de cette résolution et qu’alors l’Amérique n’aurait plus d’autre choix que d’aller militairement en Irak pour désarmer Saddam.

Claude: Je ne pense pas que ti-Bush ira en guerre. Je vois venir le jour où les manifestations des «anti-war», prendront une ampleur colossale. Cela le fera réfléchir et il modérera sa vigueur car il comprendra vite que sa popularité risque de baisser. Il sait mieux que tout autre que cette popularité est un facteur crucial pour un politicien en période électorale. Entre-temps, il jouera au Jacques le Matamore…. mais il accouchera d’une souris.

Mansour: Le chef de la commission de désarmement de l’Irak, qui doit aller en Irak lundi prochain, a tenu une conférence de presse aujourd’hui et tous les journalistes américains n’ont pas cessé de lui demander si le fait que l’Irak continue à nier l’existence d’armes interdites par la résolution, n’était pas en fait une preuve que l’Irak n’avait pas l’intention de coopérer avec sa commission. A chaque fois le diplomate suédois à essayé de rappeler à ces journalistes, américains et anglais entre parenthèses, que son rôle était de vérifier et non pas de porter un jugement de valeur sur la véracité des déclarations des Irakiens. De plus il a ajouté qu’il appartiendrait aussi à tous ceux qui accusent l’Irak dans ce domaine, de présenter leurs preuves que les Irakiens ont menti. Tout cela me rappelle beaucoup une fable de La Fontaine, « le loup et l’agneau ». Dans cette fable le loup accusait un agneau d’avoir souillé le ruisseau dans lequel il était supposé s’abreuver. Et quand le pauvre agneau lui a répondu qu’il ne pouvait pas avoir souillé son eau pour la bonne raison qu’il était en aval du cours d’eau. Alors le loup lui a répondu tout simplement : » si ce n’est pas toi c’est donc ton frère » et il l’a dévoré comme il entendait le faire de toute façon. Bush aura sa guerre avant le mois de mars à mon avis même si le reste du conseil de sécurité ne lui donne pas la couverture morale.

Claude: On verra si tes prédictions sont meilleures que les miennes. Je dois admettre, qu’à ce jour, tu es de beaucoup plus perspicace que moi et que tu as su montrer une vision des choses très réaliste. Mais je demeure toujours le même et je n’hésite pas à m’avancer le cou. Un jour, sûrement, j’aurai aussi raison !

Mansour: Et si je voulais être cynique je t’aurais dit que cette guerre est en réalité causée principalement par les multinationales pétrolières américaines.

Claude: Je le crois et je te l’ai écrit dans le passé. Même TOTAL en France est dans le groupe de ceux qui poussent sur Chirac.

Mansour: Qui peut bien profiter de cette guerre, en dehors des Sharon, Netannyahou et les grandes compagnies pétrolières américaines ?

Claude: Voilà à mon avis la première raison de tout ce branle-bas contre Saddam. Les Israéliens se rappellent la guerre du golf et les missiles «scuds» qu’ils ont reçus sur la tête, ils se rappellent les efforts de Saddam à se donner la bombe. Ils ont convaincu ti-Bush de les protéger. Et il est aussi clair que Sharon fait ce qu’il veut avec le président américain. Chaque fois qu’il le rencontre, il l’amène à ses idées. Ce qui explique pourquoi ti-Bush ne protège pas les Palestiniens et attaque Saddam.

Mansour: Déjà, avec le bruit de bottes, le prix du fuel au nord-est des USA en particulier a déjà commencé à grimper considérablement. Mais une véritable guerre contre l’Irak va porter le prix du baril de pétrole à 40 dollars au moins en quelques semaines. Aujourd’hui même, j’ai reçu ma note d’électricité et j’ai remarqué que le prix de l’électricité a augmenté de plus de 50% depuis la dernière facture. Et pourtant nous n’avons pas eu une seule nuit de gel le mois dernier.

Claude: Voilà aussi un autre point qui chatouille les électeurs américains; les coûts du gaz et du fuel. Et s’ils continuent à grimper (et il le fera et même plus que le $ 40 que tu prédis), ce sera la révolte car les Américains n’ont jamais accepté que les prix de gazoline augmentent. N’est-ce pas une autre bonne raison électorale pour que ti-Bush n’aille pas en guerre ?

Mansour: Les relations entre le Canada et les USA me rappellent un peu les relations entre les USA et l’Amérique latine. Depuis le 11 septembre dernier les Américains ont arrêté des citoyens canadiens, tout simplement parce qu’ils étaient d’origine arabe. Malgré toutes les protestations du Canada, aucun de ces malheureux n’a été libéré à ce jour. Hier, enfin, Colin Powell a indirectement reconnu que les USA n’avaient pas traité les citoyens canadiens comme il le fallait, mais tout ce qu’il a promis publiquement c’est de libérer rapidement un Canadien qui n’avait rien à voir avec le terrorisme, sans toutefois s’excuser de la mise en détention de cet individu depuis près d’un an sans aucun chef d’inculpation.

Claude: Comme dans les autres pays, je ne connais pas un canadien qui irait au devant de ti-Bush pour lui donner la main s’il se promenait dans nos rues. Quel tort il fait à la réputation des Américains dans le monde ! Son arrogance est en train de pousser toute une génération contre son peuple. Peut-on être plus bête ?

Mansour: Mais ce qui a attire mon attention, c’est le comportement des USA vis-à-vis du Canada dans le domaine commercial. L’encre qui a servi à rédiger le traité de NAFTA (ALENA) n’est probablement pas encore sèche et les USA unilatéralement ont pris la décision d’imposer une surtaxe de 27% sur tous les produits forestiers canadiens tout simplement parce que les industries du bois des USA n’étaient pas capables d’entrer en compétition avec leurs concurrents canadiens. A quoi sert ce traité de libre échange entre le Canada, les USA et le Mexique si à chaque fois que l’Amérique n’est pas compétitive elle s’arroge le droit de défendre ses industries par des tarifs à l’importation prohibitifs. Mais une fois de plus, la loi du plus fort est apparemment toujours la plus forte.

Claude: Oui, je t’ai déjà expliqué ma position sur cela. Il défait ce que son père a construit. Il ne respecte pas la parole donnée.

Mansour: Enfin l’histoire de Jimmy Carter me rappelle la fameuse expression américaine, » the good, the bad and the ugly ». Je crois que jamais l’Amérique n’a eu un président aussi honnête moralement que Jimmy Carter. En fait, il m’est difficile de trouver un autre chef d’état qui a toujours été guidé par une morale chrétienne absolue durant toute sa vie politique et même après comme cet individu. Mais malgré tout ce qu’il a fait pour son pays durant toute sa vie, la presse américaine continue à ce jour à le présenter comme un président qui n’avait rien fait, malgré des preuves irréfutables du contraire. Sur le plan international il a tout de même réussi à régler le problème du canal de Panama, il a aussi signé le plan de désarmement « salt 2» avec Brejnev, le secrétaire de l’URSS. Mais plus important encore, il a initié les premiers pas vers une résolution définitive du conflit israélo-arabe. Mais tout ce que la presse américaine se rappelle, c’est le problème des otages en Iran, alors que ce sont les administrations républicaines précédentes qui avaient créé en premier lieu les conditions de ce désastre américain en supportant sans faille le shah d’Iran pendant des décennies. Il a été aussi accusé par les républicains et la presse américaine d’avoir été à la source du déficit américain et surtout de l’inflation des années 70. Mais personne ne refuse d’admettre que Carter avait en fait hérité de la crise pétrolière des années 70 léguée par les républicains et que son déficit budgétaire était en fait inférieur à celui dont il avait hérité. De plus, il a été tout de même le seul président américain à essayer de mettre en place une stratégie à long terme pour le secteur de l’énergie. Après son départ, les républicains et même les démocrates ont abandonné sa vision d’une Amérique indépendante du pétrole du Moyen-orient sur le plan énergétique.

Claude: Oui, tu as raison et son sort électoral démontre bien mon point que tout n’est qu’images et illusions. Reagan possédait mieux que lui toutes les qualités exceptionnelles qu’un politicien doit avoir et c’est pourquoi le peuple américain l’a choisi à la place d’un Carter qui avait agi impeccablement. Qu’importe les grandes et belles réalisations, ce qui compte c’est l’impression…. car c’est elle qui apporte les bulletins dans la boîte de scrutin.

Mansour: Personnellement, je considère que les trois plus grandes figures du 20ième siècle ont été Gandhi, Nelson Mandela et Carter. Je devrais tout de même ajouter à cette liste mère Theresa.

Claude: C’est un bon choix. À bientôt.