le 1er décembre 2002


Claude et Mansour s’échangent deux messages en rapport avec la protection du patrimoine religieux et l’héritage des temps passés.

1 décembre 2002

Cher Ami,

Merci de m’avoir envoyé une copie de l’article que tu as préparé et qui a été publié dans le journal La Presse de Montréal en rapport avec la protection du patrimoine religieux au Québec et tout particulièrement celle des églises patrimoniales de Montréal. Toutes mes félicitations pour cette initiative pour éveiller la conscience morale des Québécois afin de protéger tous les vestiges de son histoire à travers les temps.

Si seulement j’avais ta plume et ton renom, j’aurais pu écrire un livre sur la destruction de notre patrimoine culturel dans le passé en Algérie. Déjà dans les années 70, nous avions des colonels, membres du conseil de la révolution, qui se sont permis de s’accaparer des colonnes romaines et des fresques en céramique, pour les installer dans leur propres jardins privés. Tout comme, entre parenthèses, les gouverneurs français durant la période coloniale avaient confisqué tout ce que les Turcs avaient laissé en Algérie. À travers le dépeçage de notre patrimoine, aussi bien par les envahisseurs étrangers que les nouveaux maîtres de l’Algérie nouvelle, je peux bien comprendre ta colère et ta réaction contre ce qui vient de se passer à Montréal. On parle souvent de crimes contre l’humanité, mais je trouve que le plus grand crime contre l’humanité c’est de lui arracher et détruire sa mémoire collective. Ce qui est tout de même étrange, c’est de constater que c’est, enfin de compte, une révolution anticléricale en France qui a sauvé l’héritage religieux de la France. C’est grâce à la révolution française que toutes les églises et cathédrales françaises sont devenues la propriété de l’État et donc à l’abri de toute convoitise spéculative des promoteurs immobiliers à travers les décennies et les siècles. Comme tu vois, le secteur public peut de temps à autre rendre un grand service à l’humanité et son histoire. Bon courage dans ta croisade pour sauver les ouvrages historiques du Québec et à très bientôt.

Mansour.

 

Mansour


Merci. Cependant, je ne suis pas d’accord avec ton appréciation que la révolution française à été le sauveur des biens culturels religieux de France. Je crois que le contraire est vrai. Dès 1789, Robespierre et compagnie ont ordonné de détruire tous les symboles de la religion catholique et c’est ainsi que des œuvres irremplaçables telles, statues, sculptures, tableaux, verrières, etc… ont été défigurés, brisés, dilapidés. Notre-Dame-de-Paris a vu ses œuvres détruites, déménagées, et est demeurée dans un état de délabrement total au point que sa démolition a été envisagée. Par la suite, tout fut rétabli par Louis XVIII, Napoléon, et les autres qui ont suivis. Mais en 1905, le gouvernement de France de Maurice Rouvier, sous la présidence de Emile Loubet, alors carrément anti-religieux, a établi la loi sur la séparation de l’Église et de l’État, et dans un élan d’excès s’est accaparé des églises pour les démolir ou changer leurs vocations. Pourtant cette loi est la fondation des législations courantes sur la liberté de religion et qui rend illégale la discrimination sur la base de la foi. Heureusement que les gouvernements changent car ceux qui ont suivi, dès 1906, ont conservé les églises et se sont vus obligés, parce qu’ils en étaient propriétaires, de les maintenir, réparer et entretenir. Donc, on peut conclure, que le temps fait de drôle de choses et, que les églises de France ont été sauvées par l’État français, à qui elles appartiennent, à cause d’un gouvernement qui en fait voulait les démolir.

Ce que tu me racontes en rapport avec le vol d’œuvres anciennes en Algérie par les colonels et les occupants français me lève cœur. Mais je ne suis pas surpris car, comme toi, je sais que tous les pays envahis et battus durant les siècles derniers ont vu les vainqueurs partir avec les joyaux de leur pays, le butin de la victoire. Napoléon l’a fait en Égypte au nom de la science, les Anglais en Grèce pour meubler leurs musées, Hitler et Goering pour satisfaire leur amour de l’art et combien d’autres occupants on fait de même. Lors d’une visite, que j’ai fait au British Museum de Londres, j’ai visité la salle du Parthénon où on y voit plusieurs statues et fresques de ce chef d’œuvre de l’antiquité grecque. Ne serait-il pas mieux qu’elles soient remises sur leur socle original pour redonner à cet ensemble ancien sa grandeur passée ? Et que penser de l’obélisque de la place de la Concorde à Paris sans cesse salie par la pollution qui le détruit lentement, que personne ne regarde, ne serait-il pas mieux qu’il aille rejoindre son frère jumeau sur les bords du Nil ?

Aujourd’hui, c’est l’argent qui compte. Rien ne semble résister à cette force. Et pourtant il faut bien le combattre car dans 100 ans, ce que les générations passées ont bâti, ne sera plus. Des trésors irremplaçables auront été perdus et le Monde en sera ainsi appauvri.

A bientôt.

Claude