le 26 août 2002


Ce dialogue touche la politique américaine et s’adresse aux élections législatives qui viennent pour le congrès américain. .

Le 26 août 2002

Mansour: Tu me jettes trop de fleurs que je ne mérite certainement pas. Si je te parais un érudit de l’histoire algérienne, c’est,’en fin de compte, qu’elle est très récente. De 1830, date à laquelle les troupes françaises ont débarqué à Sidi Feruch, que tu as connu, jusqu’aux années 1920 il n’y avait pratiquement rien de sérieux qui s’est produit sur le plan politique dans notre pays. Il est vrai qu’il y a eu quelques révoltes comme celle d’El Mokrani en 1871, mais qui ont été immédiatement étouffées par la France coloniale. Et l’histoire de tous les mouvements de libération de l’Algérie durant la période 1920 à 1954, je l’ai apprise à travers particulièrement mon frère aîné Saïd qui avait déjà commencé à militer au PPA (parti populaire algérien de Messali Hadj ) en 1946 et donc avait connu une grande partie des dirigeants de ces mouvements nationalistes des années 20-40. Ils étaient encore actifs quand Saïd a commencé à militer pour la cause algérienne. Et de 1954 à ce jour, je crois que j’ai vécu tous les bouleversements politiques que l’Algérie a connus.

Claude: Ce que tu vois comme des fleurs n’est qu’une expression de ce que je pense. Je n’ai pas hésité dans le passé à te donner des commentaires moins élogieux sur des sujets lorsque je croyais que tu exagérais ou errais. Je crois que je te dois des réactions honnêtes et vraies. Notre amitié n’a-t-elle pas été bâtie sur une telle franchise? Tu as eu l’avantage de vivre la libération de l’Algérie et de vivre dans une famille qui en a vécu les débuts avant toi et la suite avec toi. Tu as vécu une vie très intéressante à un moment historique de la vie ton pays. Ce n’est pas donné à tous de vivre aussi intensément la naissance de son pays et, nonobstant les frustrations que tu ressens et les désappointements profonds contre lesquels tu te révoltes, demeure le fait, qu’en plus d’être un témoin à l’écoute, tu as pu être un joueur privilégié par ton travail au Ministère du Plan. J’aurais aimé être à ta place.

Mansour: Pour ce qui est de la politique extérieure américaine, bien que je suis d’accord avec toi que le peuple américain commence à se demander pourquoi Bush veut une autre guerre avec l’Irak, je pense tout de même que tu te trompes sur «the mood of the american public opinion». Tout d’abord les élections au congrès sont en général gagnées ou perdues, non pas au nom de la politique extérieure du pays, mais plutôt au nom de la politique intérieure.

Claude: Suite aux défaites aux élections primaires du représentant républicain Robert Barr, qui s’est illustré par son intransigeance dans le procès du congrès américain pour destituer le président Clinton, et de la représentante démocrate Cynthia McKinney, qui a eu attitude constante de confrontation dans ses propos et particulièrement en rapport avec Israël, je vois là une indication que l’électeur américain recherche chez ses représentants une attitude raisonnable et ouverte à la discussion. Je suis d’accord avec toi que ces politiciens ont perdu de vue le fait que toute politique est locale et qu’un politicien qui pense à sa réélection ne doit pas être distrait par des sujets pour lesquels ses électeurs n’ont pas d’intérêt particulier. On dit de plus que ceux qui ont défait ces politiciens ont été fortement financés par des contributions politiques de la communauté juive. Ce dernier phénomène m’inquiète beaucoup. Si on veut un congrès objectif face aux problèmes et aux politiques qui confrontent les USA, il n’est pas acceptable qu’un représentant au congrès ou un sénateur qui s’oppose à une politique quelconque soit pourchassé par les mouvements nationalistes, quels qu’ils soient. et risque de perdre son siège à sa prochaine élection à cause de toute la machine financière et politique que l’on menace de mettre contre lui. Belle démocratie!

Mansour: Malheureusement, je ne vois pas de message cohérent et soutenu par les démocrates dans ce domaine. Il n’a pas de chef de file capable de mobiliser toutes leurs énergies à travers tout le pays. Leur parti n’a pas de porte parole crédible qui peut attirer les sympathies des indépendants. Juste pour te donner un petit exemple du désarroi des démocrates, il faut se rappeler que ce sont les élus démocrates qui se sont précipités pour faire passer toutes les lois draconiennes antiterroristes qui placent tous les arabes américains sur le banc des accusés. Je t’avoue que je ne vois pas comment un seul arabe américain pourrait voter pour ces démocrates qui ont crié haro sur le baudet. Et de toute façon, même si les démocrates arrivent à garder la majorité au sénat et même arracher la majorité au congrès, il ne faut pas oublier que le régime républicain américain est présidentiel. Surtout quand il s’agit de politique extérieure et même de guerre. Bush reste très redoutable, surtout quand il s’agit de massacrer des populations de pauvres arabes de surcroît. Mieux encore je pense que si les démocrates réussissent par miracle à faire des gains substantiels durant les prochaines élections, cela donnera encore plus de raisons à Bush de se créer sa petite guerre juste avant les élections de 2004.

Claude: Je suis surpris de ton affirmation à l’effet que les Arabes américains ne voteront pas démocrate aux prochaines élections. Sûrement que ti-Bush nuit davantage à leur cause que les démocrates. Et dans le passé sous Clinton, les Arabes avaient une entrée privilégiée à la Maison Blanche et n’avons-nous pas vu régulièrement les leaders arabes des USA venir rencontrer le président pour faire valoir leur point de vue et réussir à influencer certaines décision qui les concernaient. Je ne crois pas que suite à la débâcle du «speaker» de la chambre des représentants, Newt Gingrich, que ti-Bush réagira comme tu prédis si son parti perd des plumes. Je te rappelle que Gingrich était la plus grande étoile des républicains après avoir réussi à organiser l’élection de 1994 qui a donné la majorité républicaine, recherchée depuis si longtemps, à la chambre des représentants. Il est vite devenu la cible des critiques démocrates et une personnification de l’extrémisme républicain. Toute la publicité qui l’a entouré, comme aucun «speaker» auparavant, fut finalement son point faible qui a fait apparaître son vrai visage. Il a dû démissionner et n’est plus dans le paysage politique. Je vois une possibilité que ti-Bush se retrouve dans une situation semblable. Il est partout, se positionne trop vite et démontre un extrémisme déroutant dans ses politiques. Il n’est ni juste ni neutre dans ses relations avec les autres peuples de la terre. Il est constamment agressif et démontre une attitude guerrière. Comme j’ai dit plus haut, l’électeur américain recherche chez ses représentants une attitude raisonnable et ouverte à la discussion. Il en est de même pour ses attentes envers le président. De plus, le passé nous a enseigné que les électeurs votent généralement «contre» et non «pour». Cela me fait dire, que même si les démocrates n’ont pas actuellement un chef bien en évidence, qu’il est possible que les électeurs américains agissent comme ils l’ont fait dans le passé. Cependant, il faut se rappeler, que ti-Bush est un bon «campaigner» et cela peut faire la différence. Il a un excellent organisateur politique qui le suit depuis son temps au Texas et sa fiche de route montre victoires électorales après victoires. De ce côté là, il est fort et toujours à craindre.

À la prochaine.