L’université de Moncton


L’université de Moncton

Au début de l’hiver 1988, une lettre du recteur de l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick, m’annonce que l’Université souhaite me décerner un doctorat honoris causa en musique. À moi qui n’ai jamais eu le moindre diplôme à afficher, ni en études générales, ni en chant! A la lecture de la lettre, je me sens le torse gonfler comme pour ma plus longue phrase dans Don Carlos.

Comment expliquer ce sentiment? Les chanteurs d’opéra sont en général considérés comme des êtres un peu à part. Ils n’appartiennent pas à la même catégorie que les chefs d’État ou les vedettes du sport mais font figure, comment dire? D’oiseaux rares. (Les grands de ce monde les invitent volontiers chez eux pour rehausser l’éclat de leurs réceptions … ) Ce traitement particulier est flatteur, c’est vrai, mais il ne vaudra jamais, pour moi, l’honneur qu’on m’a manifesté dans le pays natal de mon père.

La collation des grades a eu lieu le 14 mai 1988 à Shippagan, dans le nord de la province. Aucun costume de théâtre ne m’a jamais fait l’effet de la toge et du mortier! Et le trac qui m’a pris ce matin-là en pensant à l’allocution de dix minutes qu’on m’avait demandé de prononcer … pire qu’un soir de première! Bouche sèche, mains moites …

Tous mes proches, mon frère André Sébastien, ma sœur Rollande, mes cousins et cousines acadiennes, sont venus assister à la cérémonie. Jusqu’à mon copain Noël Spinelli, accouru de Lachine en avion. Avec toute la parenté nous avons fêté ensuite à la mode du pays, c’est-à-dire au «crabe» et au homard, pendant des heures. De cette journée je garderai toujours un souvenir impérissable. J’avoue modestement que j’aime bien mon nouveau titre de docteur et que je m’en sers joyeusement depuis.