Putlibaï


La vie et la pensée de Gandhi ont fortement été influencées par plusieurs femmes. Sa mère, qu’il aimait tant, lui a transmis son attachement aux valeurs religieuses; il disait d’elle qu’elle était une sainte.
C’était en effet une femme profondément religieuse et toute sa vie était axée sur ses croyances religieuses. Jamais elle ne prenait une bouchée de nourriture avant d’avoir fait ses prières quotidiennes. En plus de respecter tous les jeûnes prévus au calendrier liturgique, au moindre prétexte elle jeûnait pour se purifier ou simplement faire pénitence. Elle pouvait entreprendre deux et même trois périodes de jeûnes sans interruptions.

Elle aimait aussi faire des vœux et son choix allait le plus souvent aux plus difficiles. Elle les observait avec une telle rigueur que même la maladie ne pouvait la dispenser de se soumettre jusqu’à la fin à sa promesse. Jamais elle ne manquait le « Châtourmâs », cérémonie qui avait lieu tous les quatre mois au cours de laquelle on devait s’acquitter d’un vœu.

Gandhi note qu’à l’occasion d’un « Chandrâyana » elle tomba malade et rien ne put la convaincre de suspendre ou d’adoucir l’observance du vœu afin de lui permettre de se rétablir. Ce rite de pénitence est réglé sur le cours de la lune. Le premier jour, le pénitent ne consomme qu’une bouchée de nourriture; le second il en prend deux et il augmente ainsi sa consommation d’une bouchée chaque jour jusqu’au jour de la pleine lune. Il entreprend la deuxième partie du cycle en diminuant sa prise de nourriture d’une bouchée par jour de sorte que le jour précédant la nouvelle lune, il jeûne totalement.

Il tient aussi de sa mère son intérêt pour les affaires de l’État. Bien que peu instruite, Putlibaï avait un solide « gros bon sens » et elle se tenait au courant de tout ce qui touchait la gestion des affaires publiques. Les dames de la Cour tenaient en haute estime son intelligence.

Dewan Gandhi était âgé de plus de quarante ans lors de son quatrième mariage, comme les trois premières épouses, Putlibaï accoucha d’abord d’une fille mais ensuite elle eut trois garçons donnant ainsi la preuve qu’elle était chérie des dieux.

Épouse affectueuse, Putlibaï attachait peu d’importance aux plaisirs frivoles comme les mets raffinés, les bijoux et les vêtements brodés d’or. Elle vivait une vie d’ascète entièrement consacrée au bien-être de son époux et de sa famille.

En tant que mère du clan, Putlibaï accueillait ses brus et leur enseignait les rites de la religion et les initiait aux règles élémentaires de la vie familiale. À la base de ses convictions religieuses, elle croyait avant tout à la force de la vérité et de la non-violence.

Un jour, alors qu’elle enseignait à ses brus et aux enfants la légende de Krishna, un enfant poussa un cri d’horreur en voyant un scorpion venimeux ramper sur le pied de Putlibaï.

« Restons calmes » dit-elle.

L’insecte s’agrippa à son sari; elle l’enroula dans un pli du vêtement, se dirigea vers la fenêtre et le déposa délicatement sur le sol à l’extérieur de la maison.

« Vous voyez, je ne lui voulais pas de mal et il ne m’en a pas fait. »

La Reine Victoria, Impératrice des Indes se fit, plusieurs années plus tard, raconter cette expérience à laquelle le jeune Mohandas avait assisté.

C’est avec beaucoup de peine que Gandhi quitta sa mère pour aller étudier le droit en Angleterre. C’est à son retour aux Indes à l’été de 1891, au moment où il débarquait à Bombay, que son frère lui annonça que leur mère était morte. Connaissant son immense attachement à Putlibaï, on ne le lui avait pas dit avant pour ne pas le bouleverser et nuire à ses études.

Malgré sa peine immense, Gandhi demeura stoïque et parvint à contenir les manifestations de son chagrin.