Au Collège, il y a une corvée obligatoire pour tous. C’est le pelletage du printemps. Trois ailes du bâtiment de 5 étages forment le périmètre de la cour extérieure qui n’est ouverte qu’au nord. Après l’hiver, dès le début de la fonte des neiges, cette cour, où l’on trouve la patinoire principale, est toujours à l’ombre. Les rayons du soleil n’y pénètrent pas. Les frères ont décidé, il y a plusieurs années, qu’il fallait donner un coup de pouce à la nature en pelletant la neige et en enlevant la glace pour entreprendre le plus rapidement possible les activités d’été, comme la balle-molle et l’athlétisme.
Un bon matin, Claude découvre, dans la salle de récréation, une enseigne sur laquelle est inscrit «Pelletage». Elle annonce que les récréations extérieures du midi et du soir seront exceptionnellement consacrées au pelletage et que cette activité est obligatoire. Pour en être exempté, seules les raisons de santé sont acceptées. Les élèves sont regroupés en équipes mises en compétition pour identifier la meilleure. La première tâche est de démonter les bandes de la patinoire, car elles doivent servir de trottoir pour les brouettes remplies de neige. Ce travail est ardu car elles ont été posées à l’automne avant la première neige. Elles sont donc bien ancrées dans la glace. Ce sont surtout les frères qui s’appliquent à ce travail difficile. Claude trouve curieux de les voir travailler avec leur soutane noire attachée entre les jambes et remontée à la taille.
Dès que les bandes sont démontées, elles sont disposées en trottoir au milieu de la cour en direction du champ voisin. On peut maintenant transporter la neige. Ce sont les élèves de la division des grands qui ont les tâches les plus difficiles, comme de piocher la glace et de pousser les brouettes. Les plus petits sont attitrés principalement au pelletage et font partie des équipes que dirigent les aînés. Claude n’est pas entiché de cette corvée. Il traîne de la patte sans faire trop d’effort. Il a encore les images d’un film récent où les bagnards étaient astreints aux travaux forcés. Il se sent exactement dans la même situation. Il ne comprend surtout pas pourquoi le Collège n’engage pas des manoeuvres pour faire ce sale boulot.
Les surveillants l’envoient souvent voir le frère Cécilien. Ce dernier lui fait comprendre, à coups de strap, qu’il s’agit d’un effort collectif auquel tous doivent participer. Il n’est pas le seul dans son cas. Cette période est vraiment pénible. Il grandit vite et n’est pas très fort physiquement. Il a beau rouspéter, critiquer et contester, rien n’y fait. C’est la première fois qu’il se révolte contre l’autorité. C’est plus fort que lui. Plus il se rebiffe, plus il doit rendre visite au frère Cécilien qui lui colle finalement un 5 pour mauvaise conduite. Il n’ose révéler à son père le motif de ce 5, de crainte de se voir encore réprimander sévèrement. La semaine suivante, c’est la même chose. Cette fois-ci, il obtient un 2 et il est privé de sortie en fin de semaine. Charles-Émile rencontre le frère Cécilien qui lui explique que, en plus de ses frasques de pelletage, son fils est de plus en plus indiscipliné. S’il continue de la sorte, il risque de ne pas être accepté au collège l’an prochain. Charles-Émile est surpris et ébranlé car les notes de son fils sont toujours bonnes et pourtant il le semonce vertement. Claude demeure silencieux.
Finalement la cour est nettoyée, les bandes pleines de boue sont lavées et rangées. On prépare maintenant la cour pour les activités récréatives. Une semaine plus tard le backstop est en place pour la balle molle et les élèves peuvent déjà y jouer. C’est le sport préféré de Claude qui y excelle surtout au bâton. Il aime bien claquer la balle et s’entraîne de longues heures. Il a un swing naturel et frappe la balle loin pour un jeune de son âge. Il aime bien regarder jouer les grands et à hâte d’être dans la grande division.
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