Les petits Chinois


Jean-Claude collectionne les timbres et s’intéresse à la philatélie depuis que Charles-Émile lui a donné une grande enveloppe brune remplie de timbres de plusieurs pays qu’il a ramassés depuis plusieurs années. Son intérêt est immédiat. Il se monte rapidement une collection de plusieurs milliers de timbres qu’il reçoit en cadeau de la parenté et souvent de Mémère Lalonde qui lui en rapporte des boîtes pleines à l’issue de ses tournées chez les cultivateurs. Il a maintenant quatre gros albums, achetés par sa mère, dans lesquels sont identifiés les pays et leurs principaux timbres par des images. Tout va pour le mieux. Charles-Émile est très fier de le voir assis, à la table de la cuisine, classer et coller ses timbres et de constater toutes les connaissances qu’il a acquises ce faisant.

Un jour, en classe, un prêtre missionnaire en Chine rencontre les élèves pour leur parler de l’œuvre de la Sainte-Enfance. Pour financer sa mission, il demande des timbres et offre de récompenser les donateurs en leur remettant des cartes d’adoption de petits chinois sur lesquelles figurent la photo et le nom de l’enfant adopté. Plus on donne de timbres, plus on adopte de petits chinois. Jean-Claude se laisse convaincre et décide, sans parler à personne, de donner sa collection de timbres pour pouvoir en adopter plusieurs. L’après-midi même, il apporte ses albums et ses sacs remplis de timbres non encore collés et les remet au maître. Charles-Émile en est informé quelques jours plus tard. Il reproche vivement ce geste à son fils et se fâche contre ces religieux qui viennent dans les écoles exploiter la bonne foi des enfants. Il va rencontrer le maître pour les récupérer, mais on lui dit qu’il est trop tard car le missionnaire n’est plus à Montréal et a tout emporté avec lui. Pierre-Paul, témoin de la colère de son père, n’est guère surpris de sa réaction car il se sent lui-même exploité par les religieux depuis ses tout premiers jours au Mont-Jésus-Marie. Jean-Claude, pour sa part, comprendra plus tard. Mais, pour l’instant, il ne sait pas pourquoi son père s’emporte autant, lui qui est si heureux de sa bonne action.