Mirabehn


Mademoiselle Madeleine Slade était la fille de l’amiral britannique Sir Edmund Slade. Elle a vécu aux Indes durant plusieurs années sans jamais entendre parler du Mahatma. C’est en lisant par hasard une biographie de Gandhi écrite par Romain Rolland au milieu des années ’20 qu’elle découvrit son existence. Elle fut saisie d’une grande admiration pour lui et elle décida de tout abandonner pour le rejoindre et participer à son action.

Rien dans son éducation d’aristocrate ne la préparait à ce genre de vie austère faite de sacrifices et de privations. Le Mahatma lui adressa une mise en garde contre un trop grand enthousiasme et il lui recommanda de ne rien précipiter.

Pendant plusieurs mois, elle se prépara minutieusement à cette nouvelle vie et ce n’est en 1925 qu’elle partit le rejoindre dans son « Ashram » de Sabarmati. À son arrivée, Gandhi lui dit : « Considérez-moi comme votre père et comme votre mère. »

Cette occidentale, fille de bonne famille devint au contact de Gandhi une habile et indispensable associée. Aucune tâche ne la rebutait; le nettoyage, le lavage, le tissage, le rouet, le raccommodage, le soin du bétail… tout lui réussissait. Elle fut aussi secrétaire, infirmière, enseignante, en un mot une personne ressource aussi compétente que dévouée.

Malgré le déchirement que lui causait l’éloignement de son maître, Madeleine, que Gandhi désignait sous le nom de Mira, décida d’aller apprendre la langue hindi à Delhi. Il lui arriva également de s’éloigner de Gandhi pour un séjour à Santinikitan où vivait le Poète de l’Inde, le grand Rabindranath Tagore.

La communauté britannique jugea sévèrement le comportement de Miss Slade. On disait qu’il fallait qu’elle soit devenue folle pour accepter d’être la servante de ce fakir hindou. Son père alla même jusqu’à la déshériter sur son testament.

Durant ses négociations avec Gandhi, le Vice-roi des Indes, Lord Irwin qui avait connu Madeleine Slade comme une « belle dame de société de Londres » était étonné de la voir aux pieds du Mahatma pour lui servir un repas de fruits qu’elle avait préparé pour lui.

Comme elle vivait en parfaite harmonie avec Kasturbaï l’épouse du Mahatma et qu’elles vivaient comme deux sœurs, Gandhi se mit à l’appeler Mirabehn, le suffixe -behn signifiant sœur. Après la mort de Kasturbaï, Mirabehn qui sort, elle aussi de prison, est tellement épuisée qu’elle doit se retirer à l’Ashram.

Plus tard, lorsqu’elle put reprendre le service, Gandhi l’assigna à la formation des personnes vivant près de la frontière en vue de résister de façon non-violente à une éventuelle invasion des Japonais. Le Mahatma, connaissant son énergie et son dévouement lui confiait des tâches de plus en plus importantes.

Au moment de l’assassinat de Gandhi, Mirabehn travaillait sur des fermes dans l’Himalaya à l’amélioration du bétail. Elle apprit le drame par la radio. Dans ma vie dit-elle : « Il n’y avait que Dieu et Bapu et maintenant, ils ne sont plus qu’un. Gandhi sera toujours vivant. » (Bapu est un terme affectueux qui signifie papa.)

Après la mort du Mahatma, retirée de toute vie publique, Mirabehn continua de servir les masses indiennes et à travailler avec les paysans du Nord à l’amélioration des conditions de vie dans les villages.

C’est le miracle accompli par son maître.

Cette belle anglaise, fille d’un amiral britannique, consacra le reste de sa vie à la libération spirituelle de l’Inde. De l’admiratrice passionnée qui ne pouvait vivre loin de son maître, Gandhi fit une disciple fervente au service de la Vérité et de l’Amour.