Son mariage


Gandhi combattit les mariages d’enfants de toutes ses forces durant toute sa vie publique. Il n’a jamais pu trouver un seul argument moral en faveur de cette pratique hindoue du mariage à un âge aussi précoce que douze ou treize ans.

Ne vous trompez pas, il ne s’agit pas ici de fiançailles; les deux rites sont très différents l’un de l’autre. Les fiançailles ont lieu beaucoup plus tôt vers l’âge de quatre à six ans. Ce sont des promesses préliminaires échangées par les parents en vue d’unir par le mariage le garçon et la fillette au moment convenu.

Ces promesses sont solennelles mais elles ne sont pas inviolables; par exemple, le décès du garçon avant le mariage n’entraîne pas le veuvage de la fillette avec tout ce que cela comporte normalement d’obligations pour les épouses.

Comme nous l’avons vu précédemment, Gandhi fut fiancé à trois fillettes, les deux premières étant mortes en bas âge, sans jamais qu’il en ait été informé par sa famille. Par contre, il garde un très clair souvenir de son mariage.

Pour des raisons de commodité et d’économies, les familles avaient décidé de marier Gandhi en même temps que son frère aîné de trois ans et un cousin à peu près du même âge que lui. Il faut dire que pour les adeptes de la religion hindoue, ces mariages n’étaient pas une chose banale et souvent, les familles se ruinaient pour payer les préparatifs et la cérémonie.

La planification d’un mariage s’échelonnait sur plusieurs mois; chacun tentait de surpasser ses parents et voisins par la quantité et la variété des mets servis, des décorations, des ornements et du nombre de musiciens engagés pour la cérémonie.

Pour le petit Gandhi, ces préparatifs laissaient entrevoir les plaisirs d’une grande fête, de beaux vêtements neufs, de la musique, des repas somptueux et surtout l’arrivée d’une nouvelle compagne de jeu. Le côté sexuel de la chose ne lui vint qu’un peu plus tard.

La fête fut amoindrie par un accident de la diligence qui transportait son père de Porbandar à Rajkot. Il arriva pour la cérémonie couvert de pansements. Cela ne l’empêcha pas de faire bonne figure durant le mariage ni de s’amuser comme le reste de la famille pendant la réception. Impatient d’être marié, le futur époux trouvait la journée très agréable et il était loin de se douter qu’un jour, il critiquerait si sévèrement la décision de ses parents de l’avoir marié si jeune.

Le rite du Saptapadi demande au marié et la mariée de faire sept pas en se tenant par la main; l’échange d’un morceau de Kansâr, sorte de gâteau de farine un peu pâteuse, a lieu tout de suite après et, dès lors, le mariage est irrévocable. Les enfants sont devenus mari et femme pour le reste de leur vie.

C’est ainsi que débute la vie commune et les deux enfants innocents se jettent, sans autres préparations, tête baissé dans l’océan de la vie…

Pour sa première nuit de noce, Gandhi à peine âgé de 14 ans avait été conseillé par la femme de son frère aîné sur l’attitude à prendre vis-à-vis sa femme; la petite Kasturbaï, du même âge que lui, l’avait certainement été aussi par quelqu’un de sa famille.

Quoi qu’il en soit, en de telles circonstances, les conseils sont un peu superflus. Les deux enfants étaient très intimidés lorsqu’ils se retrouvèrent seuls et ce n’est que peu à peu qu’ils se mirent à faire connaissance et à converser librement.

Gandhi n’a pas pris beaucoup de temps avant d’exercer son autorité de mari. Même si aucun des comportements de sa femme ne laissait supposer la moindre infidélité, Gandhi était très jaloux et il contrôlait tous les faits et gestes de sa compagne Kasturbaï. Cela ne manquait pas d’être la source d’amères disputes entre eux. Il était aussi très sensuel à l’égard de sa femme et en classe, il ne pensait qu’au moment où il pourrait enfin la retrouver. C’était une véritable obsession qui hantait constamment son esprit et le détournait de ses études.

Heureusement, la tradition hindoue du mariage d’enfants est atténuée par une autre qui veut que les parents ne permettent pas aux jeunes époux de rester longtemps ensemble.

La fillette doit passer la moitié de son temps chez son père. Cette façon de faire ne plaisait pas au nouveau mari mais elle eut pour effet de calmer ses ardeurs et de sauver leur union.

Plus tard, il partit pour l’Angleterre et même à son retour, Gandhi devait, pour son travail, faire régulièrement la navette entre Bombay et Râjkot ce qui l’éloignait de sa femme durant près de six mois par année.

Au moment de son départ pour l’Afrique du Sud, il avait appris à contrôler ses désirs et il était déjà libéré de ses appétits sexuels.