Mao


En ce 1er octobre 1949, Claude se rappelle le docteur Bethune, lorsqu’à Pékin (Beijing) Mao Tsé-tong, du haut du long balcon d’un palais de l’ancienne Cité impériale, dite Cité interdite, donnant sur la grande place Tienanmen, proclame la nouvelle République Populaire de Chine. Il suit de près les nouvelles venant de Chine, qui non seulement font état de la prise du pouvoir par Mao, mais relatent en long et en large toute l’histoire de la Chine depuis le début du siècle. Il veut tout savoir sur Mao.

Mao a parcouru un chemin difficile pour se rendre au pouvoir qui met fin à une interminable guerre civile en Chine. Elle a été ponctuée par «la Longue Marche» suivie d’une terrible invasion japonaise.

Claude est piqué de curiosité par l’expression «la Longue Marche».

Il apprend que c’est le 10 octobre 1911 que le dernier empereur chinois a été détrôné et que la République de Chine a été proclamée la première fois. Le parti nationaliste, le Kuomintang, dirigé par le général Tchiang Kaï-chek et le parti communiste (dont Mao est un des leaders) se sont alliés pour consolider la jeune république. Mais cette union est de courte durée puisqu’une dispute lors d’une grève résulte dans une attaque des soldats de Tchiang qui tirent et attaquent les communistes. Depuis ce jour, Tchiang et Mao, devenu entre-temps le chef des communistes, se disputent le pouvoir. En octobre 1934, Tchiang est de beaucoup le plus fort et s’apprête à anéantir les «rouges» de Mao. Le seul salut pour ceux-ci est la fuite en avant et ils entreprennent, à la suite de leur chef, «la Longue Marche». Après une épopée d’un an et de 12,000 kilomètres à travers les campagnes du pays, il ne reste que 30,000 marcheurs sur les 130,000 du départ en plus de ceux qui les ont rejoints en route. Mao appuie sa révolution sur la paysannerie misérable des campagnes et réussit à convaincre Chou En-Lai, un révolutionnaire véritable, d’accepter sa stratégie et de l’appuyer.

En plus de sa lutte contre Mao, Tchiang dirige, depuis 1937, la guerre contre l’envahisseur japonais. Cette guerre, suite à une entente des Japonais avec Hitler, vise à affaiblir les bolcheviques de Staline. Mao, réalisant les difficultés rencontrées par Tchiang et se sentant Chinois avant d’être communiste, lui propose une alliance tactique pour l’aider à chasser l’étranger du sol de la mère-patrie. L’entente est acceptée et durera sept ans jusqu’au moment de la défaite japonaise en 1945. Elle prend fin subitement lorsque Mao, voyant le pays libéré, retourne ses troupes contre celles de Tchiang.

Charles-Émile et ses amis s’opposent à tout ce qui est communiste et admirent Tchiang. Ils suivent de près les nouvelles de sa nouvelle lutte contre Mao. Le gouvernement canadien prend position pour Tchiang et les nouvelles radiodiffusées reflètent cet appui. Charles-Émile assiste à une conférence de madame Tchiang Kaï-chek, de passage à Montréal, qui sollicite de l’aide pour les soldats de son mari.

Mais Mao est maintenant le plus fort et Tchiang se voit obligé, avec ses soldats, de trouver refuge sur l’île de Formose, aujourd’hui Taiwan. Il crée une démocratie protégée par les Américains. Mao a donc la voie libre pour rentrer triomphalement à Pékin. Il devient le président de la Chine et Chou-En-Lai, son chef du gouvernement.

Dès sa prise de pouvoir, Mao ferme les portes de la Chine à tous les pays du monde. Il exécute ses opposants politiques, confisque les terres et ses politiques créent à la longue d’épouvantables famines et des millions de morts. Pour solutionner ses problèmes d’opinion publique, Mao a des idées originales: en 1956, ce sera la «Campagne des Cent-Fleurs», qui encouragera les Chinois à critiquer les défauts du régime, puis ce serale «Grand Bond Avant», dont le but est de générer un grand effort pour vitement rattraper le niveau de l’économie de la Grande-Bretagne et finalement avec la « Révolution culturelle» il publie un petit «livre rouge» dans lequel les enfants sont appelés à dénoncer leurs parents qui ne respectent pas le régime et les lance aussi l’assaut des institutions politiques. Lorsqu’il mourra, en 1976, le pays sera très pauvre et la misère généralisée. Les dirigeants qui le remplaceront à la tête du parti communiste, comme Deng Hsio-ping, sont pragmatiques et introduiront dans le pays l’espoir d’un bien-être social et matériel. Ils cherchent à favoriser la motivation chez les jeunes du pays. Depuis, le parti communiste demeure au pouvoir avec un semblant de solidité pendant que la Chine se transforme en une puissance mondiale en utilisant les principes du capitalisme.

Claude sera en Chine en 1981, quelques années à peine après l’ouverture des portes du pays aux étrangers et visitera, entre autres, Beijing et Canton. Ces villes sont alors comme du temps de Mao et n’ont pas encore été transformées par la révolution urbaine qui s’annonce pour les années prochaines. Claude entrera dans le mausolée de Mao, sur la place Tienanmenet verra son corps de près, conservé comme de son vivant, étendu sous une bulle de verre. En janvier 1994, il y retournera lors d’un voyage d’affaires et constatera que des milliers de belles maisons anciennes de Beijing ont été démolies au profit de la construction de gratte-ciels, d’édifices à bureaux, de commerces, d’usines, d’hôtels importants et de bâtiments de toutes sortes. Il lui semble que seuls la Cité interdite, la place Tienanmen et le siège du gouvernement n’ont pas changé. Il se retrouvera presque seul aux portes de la Cité interdite, à 09:00 le matin, heure d’ouverture pour les touristes. Il la parcourra, sans guide, sans surveillant et dans tous les sens jusqu’à 14:00. Il examinera les magnifiques palais, les grandes avenues, les larges escaliers aux rampes composées de sculptures blanches impressionnantes, les fresques murales relatant l’histoire et les coutumes du pays et appréciera le raffinement des détails de l’architecture chinoise. La journée est très froide, les touristes sont rares et Claude portera son jacketde ski, son foulard de laine, son chapeau de poils russe et ses gants de mouton. Il montera au balcon où Mao déclara la nouvelle république et se tiendra debout, un long moment, à l’endroit précis de Mao. Il regrettera que personne ne soit là pour prendre une photo-souvenir de lui à cette occasion. Il a alors une vue prenante de la place Tienanmen et des édifices gouvernementaux qui l’entourent, dont le Palais du peuple où siège la grande assemblée du pays. Claude se remémorera les images des immenses assemblées de Mao qu’il a vues à la télévision durant sa jeunesse.