Service Realties


L’associé de Charles-Émile, M. Coulombe, lui fait part qu’il ne veut désormais travailler qu’à temps partiel. Cette décision pousse Charles-Émile à fonder, comme il l’espérait depuis quelque temps, une agence immobilière plus importante. Il lance la Service Realties et en installe les bureaux au 4336 de l’avenue Verdun, près de la rue Galt. Coulombe devient son employé. Il engage aussi un autre vendeur nommé Lechasseur. Le succès est immédiat. Depuis la fin de la guerre, l’immobilier est en pleine ébullition. Le pays connaît une véritable flambée de prospérité dont l’ampleur est inespérée. Le parc d’habitations de Verdun se subdivise en trois catégories dont les prix varient. Il y a d’abord les maisons de plus de trente ans, construites sur trois étages et comprennent six logements; les maisons de dix à quinze ans, surtout construites sur deux étages et comptent deux logements; enfin, un nombre important de nouvelles maisons à deux étages, auxquelles il faut ajouter un nombre sans cesse croissant de bungalows et de cottages. La demande est également très forte pour des édifices commerciaux et les grandes maisons unifamiliales, plus rares. Les annonces dans les journaux amènent au bureau beaucoup de clients potentiels, au point que certains soirs la salle d’attente de huit personnes est pleine et que les vendeurs ont peine à répondre à la demande. Il n’est pas rare de conclure cinq à huit ventes le même jour. Cela fait beaucoup plus de travail pour Charles-Émile, mais de très bons revenus viennent compenser cette situation, au point, d’ailleurs, qu’il est en train d’examiner avec Antoinette la possibilité de se faire construire encore une nouvelle maison.

Claude réussit bien sa 4ième Science B et il est promu en 3ième. La famille passe l’été en ville. En juillet, Claude travaille avec son père chez Service Ralties. Il est chargé de la réception, du téléphone et du placement des annonces de maisons à vendre dans les journaux. Il apprécie le contact avec le public et engage la conversation avec tout le monde. Au mois d’août, il a trouvé un emploi d’été chez un entrepreneur qui construit un nouveau gymnase pour le Mont-Saint-Louis. Les coûts de cette construction sont financés par une campagne de levée de fonds sur le thème «un Collège qui construit est un Collège qui vit» menée auprès des anciens et par un octroi particulier du gouvernement provincial de Duplessis. Il s’est fait engager comme water boy. C’est un gros et grand chantier. En plus du gymnase qui comprend beaucoup d’autres équipements sportifs et services, la construction comprend un très haut et très long mur de soutènement, entre la 2ième et la 3ième cours. À son embauche, il croyait bien s’être déniché là un travail facile. Il a vite fait de déchanter. Le poids du seau d’eau, les longues marches pour aller le remplir, les grandes distances à parcourir pour rejoindre les ouvriers (l’équivalent d’un pâté de maisons à partir de la rue Sanguinet), le soleil très chaud de cet été, les hauts échafaudages à grimper et les exigences des travailleurs feront en sorte qu’il a bien hâte de voir septembre revenir et la rentrée au Collège.

Le chien Sunday a plus de 15 ans. Il est affligé de toutes sortes de problèmes de santé. Il semble souffrir d’arthrite, gémit souvent, a peine à se contrôler et multiplie les dégâts partout dans la maison. Les remèdes du vétérinaire ne font plus effet. Antoinette se résigne. Elle annonce aux garçons que le temps est venu de s’en séparer. Ils sont consternés et s’y refusent, mais il n’y a plus d’autre solution. Elle appelle la société protectrice des animaux, la SPCA et prévient ses fils qu’on viendra le prendre en fin d’après-midi. Pierre-Paul et Claude prennent la chose très mal. Ils annulent toutes leurs sorties et passent l’après-midi, en compagnie de Francine, à vivre ses dernières heures avec lui. Francine, qui marche maintenant partout, aime bien Sunday. Il a pris l’habitude de la suivre et de s’étendre sur le sol près d’elle. Elle aime bien lui flatter le museau, mais c’est un endroit que Sunday n’apprécie guère. Ils voient la fourgonnette blanche arriver. On sonne à la porte. Antoinette prend Sunday dans ses bras alors que Claude ouvre la porte. Son frère et lui sont en larmes. Ils ne veulent pas voir leur chien partir. Ils l’embrassent très fort et le serrent contre eux. Francine semble aussi comprendre ce qui arrive. Elle aussi a l’air très triste. Finalement, Antoinette remet Sunday dans les bras du préposé de la SPCA. Ils s’avancent tous les quatre sur le balcon pour regarder l’homme placer leur chien dans la section grillagée à l’arrière de la fourgonnette. Toute la famille se souviendra toujours de ce brave chien, source de tant de joies et d’affection pour tous.