Octave Bélanger, le peintre des Pays d’en Haut


«Le grand désir du peintre Octave Bélanger, celui qu’il exprime dans chacune de ses œuvres, est de donner à la peinture un sens plus profond, plus original, plus neuf au sujet qu’il traite. Alors que d’autres s’appliquent à peindre le côté décoratif d’un paysage, d’une étude ou d’une nature morte, il pousse plus loin sa conception de la beauté, de la couleur et de la lumière. C’est ainsi que ses arbres sont teintés de gris et volontairement effacés, que ses personnages ne brisent pas l’harmonie de l’ensemble, que les valeurs sont biens comprises et ne se perdent pas en un coloris barbare », Henri Letondal, le critique d’art du journal La Patrie de Montréal (1921-1929)

Les débuts

Louis-Joseph Octave Bélanger est né àMontréal le 20 juin 1886. Il est le fils unique de Joséphine Richard et d’Octave Bélanger senior, un industriel originaire de Lotbinière. L’entreprise familiale, la Fonderie Jacques-Cartier, établie au 1580, rue Amherst à Montréal est une entreprise importante qui fabrique jusqu’à 1000 poêles et fournaises par année, en plus de divers objets en fonte, tels que des bancs de parc, des colonnes et autres produits.

En 1918, la fonderie fabrique même une automobile qui porte le numéro d’immatriculation 8811. Le bloc-moteur aurait été coulé à la fonderie, puis usiné aux ateliers Bourassa, situés sur la rue Ontario est, face au chantier maritime Canadian Vickers. Le capitonnage de la voiture était en cuir rouge deRussie.

à gauche: Dans l’automobile fabriquée à leur Fonderie Jacques Cartier, située au 1580 rue Amherst à Montréal, on retrouve Octave Bélanger père, propriétaire de l’entreprise. Au volant, Octave Bélanger fils; à ses côté, Octave Bélanger père; debout à l’arrière entre les deux Octave et Maurice, fils d’Octave Bélanger fils et à droite Lucile Bélanger, fille d’Octave Bélanger fils; sur le siège arrière à gauche, Sophronie Renaud, épouse d’Octave Bélanger père; à ses côté Juliette Guillemette, épouse d’Octave Bélanger fils; à ses côté Guy Bélanger, fils d’Octave Bélanger fils.

Octave Bélanger père, qui ne conduit pas sa voiture lui-même, semble néanmoins très fier de son automobile. Le journal La Patrie rapporte qu’il est un des premiers à effectuer le trajet Montréal-Québec par la route en une seule journée et celui de Montréal-Ste-Adèle vers les Pays-d’en-haut.

L’entreprise est prospère et la famille Bélanger vit confortablement installée dans une résidence cossue de la rue St-Hubert.

Les études à Montréal

Octave Bélanger commence ses études à l’école Montcalm, située à côté du magasin Dupuis et Frères. Il a la peinture dans le sang. Dès l’âge de 8 ans, accompagné par son oncle Richard, il va faire de l’esquisse à Lachine et Montreal West. Ces endroits sont alors de la vraie campagne avec des fermes et des bêtes. Sa famille possède toujours une de ses petites esquisses datée du 5 avril 1894.

À l’âge de 14 ans, il suit des cours du soir de moulage, de dessin et d’architecture. Ces cours sont offerts par le Conseil des Arts et Manufactures à l’école du même nom, ainsi qu’au Monument National sous le directeur Thomas Gauthier. De 1900 à 1913, Octave Bélanger étudie avec MM. Edmond Dyonnet, Joseph-Charles Franchère, Joseph Saint-Charles et Jobson Paradis. Au cours de cette période, il remporte des médailles de premier prix en dessin, en architecture et en modelage. De 1913 à 1921, il poursuit ses études artistiques pendant trois ans à la « Galerie des Arts », devenue le « Montreal Museum of Fine Arts » sous la direction de William Brymner. Il est boursier deux ans de suite.

Pendant quelques années, le peintre travaille à la fonderie. En 1910, il épouse Juliette Guillemette, avec qui il crée sa famille. Après le décès de son père, vers 1920, il vend l’équipement de la fonderie et loue l’immeuble à un garagiste. Octave Bélanger se consacre alors entièrement à sa passion: la peinture. À ce moment-là, indépendant de fortune, il n’a pas le souci de devoir vendre ses toiles pour manger.

Les études à Paris

En octobre 1921, la famille Bélanger embarque sur l’Ausonia, un navire de la compagnie Cunard, en direction de la France. Octave Bélanger, son épouse et leurs enfants Lucille, Maurice, Guy et Marcelle s’installent à Paris. Pendant trois ans, le peintre suit les cours aux Ateliers Julian, un des plus réputés de la capitale française ainsi que celui de l’Académie Colarossi. Plus d’une quarantaine de peintres canadiens y suivirent des cours, dont William Brymner, Wyatt Eaton, Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, Paul Peel et James William Morrice.

Au nombre de ses professeurs parisiens, on remarque les peintres Henri-Paul Royer, Jules Pagès, ainsi que les frères Paul-Albert Laurens et Jean-Pierre Laurens. Le talent d’Octave Bélanger est rapidement reconnu par ses maîtres. Le peintre Royer en regardant son travail lui fait la remarque suivante: « Ce n’est certes pas la première fois que vous peignez d’après le modèle vivant« . En 1922, l’Académie lui décerne un premier prix de composition.

En 1923, Octave Bélanger expose une toile représentant une scène d’intérieur breton au «Salon des Artistes Français» qui se tient au Grand Palais des Champs-Élysées. Cette toile est la propriété de l’Institut Bruchési de Montréal. Il participe à nouveau à ce salon l’année suivante avec deux toiles, accrochées en cimaise: Au Luxembourg et L’arbre au feuillage argenté. Ce tableau, qui représente un paysage croqué aux environs de Port Louis, a par la suite été choisi pour participer au salon «L’art contemporain français» à Copenhague au Danemark, en 1924. Il fait aujourd’hui partie de la collection du Musée du Québec. À l’occasion de la présentation de ses œuvres, le New York Times lui demande l’autorisation de les photographier pour publication dans son journal.

Octave Bélanger est un homme humble pour ne pas dire timide, mais audacieux. Il vit de grandes émotions et est fort heureux de voir son travail reconnu et accepté par les grandes institutions dédiées à l’art. Il rappelle que le patron de l’atelier, Paul Albert Laurens, lui a recommandé de ne pas soumettre sa toile Au Luxembourg au salon pour exposition. Mais son instinct lui avait dicté sa conduite et il a eu raison. Il avait ressenti une grande émotion après l’envoi de ses toiles surtout au moment où Laurens rassembla les élèves et fit venir près de lui Octave pour annoncer qu’elles avaient été acceptées au salon du printemps avec mention no. 2.

Au cours de son séjour à Paris, Octave Bélanger se lie d’amitié avec le peintre Rodolphe Duguay, qui suit également les cours de l’Académie Julian. À partir de la résidence de la famille Bélanger à Port-Louis, petite ville dans la rade de l’Orient, il parcourt la Bretagne avec Duguay à la recherche de paysages dignes de leur talent.

Cette année-là, le peintre Edouard Daigneau regardant les dessins d’Octave Bélanger regroupés sous le vocable Boulevard St-Michel lui dit: « Il y a plusieurs peintres qui voudraient bien en faire autant« . Daigneau regrette son départ annoncé pour le Canada, il aurait voulu l’amener faire de la peinture là où il se rendait lui-même.

annotation: Formé à l’école française, ce jeune et remarquable paysagiste canadien a l’art de découvrir une matière neuve et d’en donner une interprétation toujours harmonieuse dans ses couleurs et ses proportions.

Le retour à Montréal

À cette époque, Octave Bélanger souhaite poursuivre sa carrière de peintre en France. Son épouse le convainc toutefois de rentrer au Québec et la famille revient à Montréal à la fin de 1924.

Pendant les années qui suivent, Octave Bélanger se consacre entièrement à son art dans un atelier qu’il a fait construire derrière sa maison de la rue Saint-Hubert. À compter de 1925, il participe à plusieurs expositions à Montréal. En 1925 et 1929, certains de ses tableaux font partie de l’exposition de l’Académie royale des arts du Canada. Il expose aussi à trois reprises à la Bibliothèque Saint-Sulpice en novembre-décembre 1925, en février 1928 et en février 1929.

Les paysages le fascinent et il trouve là la diversité qui lui fait explorer divers moyens, à savoir l’huile, l’aquarelle, le fusain, le pastel et la gravure.

Le critique Pierre-Paul Cormier, écrit: «Il est un paysagiste, et aime les grands espaces comme le démontre ses tableaux. Il est un peintre en voyage. La nature, les saisons, les sites splendides l’ont attiré. Son tempérament d’artiste trouve son expression dans des cieux orageux, qui dans les huiles, de par leur qualité plastique, rappelle le groupe canadien des Sept. Ses paysages sont parfois familiers, parfois inconnus du spectateur ce qui lui permet de les apprécier en tant que peinture pure».

Les montagnes, coteaux et vallons des Laurentides qui couvrent les Pays-d’en-haut l’inspirent à peindre des paysages et des portraits très colorés par lesquels Octave Bélanger entraine ses adeptes dans un beau voyage. Il demeure toujours traditionnaliste, figuratif et conservateur et n’est jamais triste ou ennuyeux. Sa peinture est pleine de vie comme sa vie qui semble paisible et sereine. Il est le peintre du terroir.

Son exposition de 1925 à la Bibliothèque Saint-Sulpice comporte plus de 80 toiles, selon La Patrie. On y trouve notamment L’arbre au feuillage argenté, Au Luxembourg, Le printemps dans les Laurentides, et plusieurs paysages bretons peints durant les vacances de sa famille à Port-Louis.

En 1926, Octave Bélanger est choisi par la compagnie de chemin de fer Canadien National pour illustrer le livre La Grande Aventure, écrit par Ernest Schenck, de 40 gravures sur le Canada d’un océan à l’autre, de la Nouvelle-Écosse à la Colombie-Britannique. Beaucoup plus tard, durant les années soixante, il exposera ses œuvres à la Gare Centrale de Montréal.

En 1926, toujours propriétaire du terrain de la Fonderie Jacques-Cartier, rue Amherst, Octave Bélanger décide d’y construire un garage moderne qu’il souhaite léguer à ses fils. C’est ainsi que naît le Garage Amherst Autodrome, une entreprise logée dans un immeuble en brique de trois étages. Le garage offre des services complets de mécanique, incluant la peinture, le débosselage, le lavage et le cirage des voitures, ainsi que la pose des chaînes sur les pneus, l’hiver. Le garage propose également des services de stationnement, notamment aux clients de l’hôtel Pennsylvanie, situé sur la rue Saint-Denis. Malheureusement, l’entreprise n’était pas concessionnaire d’un des grands manufacturiers d’automobiles de l’époque, ce qui limite son succès commercial.

Octave Bélanger, qui ne souhaite pas s’occuper de la gestion du garage en confie la direction à un proche parent, Octave Ranger. Guy Bélanger, très féru de mécanique, en devient le gérant du Service à la clientèle et y travaille durant 9 ans, avant de joindre les rangs de la Société Air Canada, en 1942.

Vers la fin de l’hiver 1928, la famille Bélanger emménage dans une vaste maison comportant quatre logements au 53, chemin de la Côte-Sainte-Catherine. En 1928, Octave Bélanger achète également un terrain sur les rives du lac Labelle dans les Pays-d’en-haut. Ce refuge jouera un grand rôle dans sa carrière puisque les paysages de la région lui inspirent un très grand nombre de tableaux. Il conservera ce chalet et y passe ses étés, avec sa famille, jusqu’à 1966 alors qu’il cède son chalet à son fils Maurice et décide de passer plus de temps en Floride jusqu’à son décès en 1972.

Lors de l’exposition de février 1929, à la bibliothèque Saint-Sulpice, le critique J.René de Cotret, du journal Le Canada, écrit: « L’effort accompli par M. Octave Bélanger mérite d’être largement encouragé. Tout d’abord parce qu’il dénote chez l’artiste une ardeur au travail pour laquelle il faut le louer et ensuite parce que son exposition a une incontestable valeur. Nous engageons les amateurs à la visiter et à y prolonger leur séjour afin de bien l’étudier. Elle en vaut la peine ».

La crise

En 1929, la Crise frappe durement. Les affaires du garage périclitent. Octave Bélanger doit prendre la direction de l’entreprise lui-même, afin de la maintenir à flot. La grande maison du chemin de la Côte-Ste-Catherine devient un boulet financier: elle est vendue. La famille s’installe par la suite dans un appartement plus petit, sur la rue Kent à Montréal. On annule également les longues vacances à Sainte-Rose et on loue la maison d’été.

Le chalet du Mont-Royal

En 1930, le maire de Montréal, Camilien Houde, décide de faire construire par la Ville de Montréal un chalet sur le Mont-Royal, dont une partie du coût sera défrayée par des subventions fédérales, destinées à lutter contre le chômage. Ce chalet doit comporter une salle à manger pouvant accueillir un millier de personnes. Aristide Beaugrand-Champagne, l’architecte de ce projet, décide d’y intégrer 17 grands tableaux rappelant l’histoire de Montréal et confie le choix des artistes au peintre rassembleur Paul-Émile Borduas.

Pour sa part, Borduas se réserve la conception des tableaux aux sujets plus importants et chers au cœur de Beaugrand-Champagne: «L’Entrée de la France dans les Indes Occidentales», «le Plan d’Hochelaga par Cartier en 1535», «Carte de Montréal, l’île du Mont Royal et le fleuve Saint-Laurent, produite par Samuel de Champlain en 1611», «la carte de Ville-Marie Montréal en 1672», «Montréal en 1760», «la Carte des anciennes possessions françaises en Amérique avant le traité de Paris en 1763».

Il recrute 11 autres peintres renommés, dont Octave Bélanger. En 1931, ce dernier peint une grande toile intitulée Champlain visite à nouveau le site de Montréal en 1611 à la place Royale, site de l’actuelle Musée de Pointe-à-Callières, qui fut accrochée aux murs du Chalet de la montagne au début de 1932.

Après avoir vu et analysé cette œuvre gigantesque, le professeur d’art Laurier Lacroix la commenta de la façon suivante: « Le peintre québécois Octave Bélanger est connu pour sa palette claire. Il utilise des tons pastel, des verts tendres et bleutés, des bleus et des oranges clairs, des roses et des gris. La matière picturale est bien visible. Le ciel est traité avec une brosse déliée et large, les feuilles et le sol montrent une texture très accentuée. La matière picturale est bien visible. Le ciel est traité avec une brosse déliée et large, les feuilles et le sol montrent une texture très accentuée » Ce tableau appartient toujours à la collection de la ville de Montréal et il est exposé en permanence au Chalet du Mont-Royal. Il a reçu 400$ pour cette œuvre, une bonne somme pour l’époque.

Octave Bélanger a alors 45 ans et est au sommet de son art. Le Petit Journal lui consacre d’ailleurs un article célébrant son travail de paysagiste: « Possède-t-il encore l’atelier où il travaillait en 1928 au 1117 rue Saint-Hubert ? C’est sans doute dans ce lieu qu’a été peint le grand tableau «Champlain visite à nouveau le site de Montréal en 1611». La scène montre au centre Champlain debout en train de dicter à un personnage assis au premier plan. De part et d’autre, au plan moyen, des soldats montent la garde, alors qu’à l’arrière-plan, trois marins s’occupent d’une barque à voile qu’on accoste. La composition est symétrique et statique et repose sur les proportions de la règle d’or « .

Pour les 10 autres tableaux, Paul-Émile Borduas confie la réalisation aux artistes les plus en vue de l’époque.

Il fait appel à Edwin H. Holgate pour la cène du Départ de Cavelier de Lasalle pour aller à la découverte du Mississipi. Cet explorateur atteindra finalement la Baie de Matagorda au Texas.

Pour Jacques Cartier atterrit à Montréal en 1535, il confie la conception de la scène au peintre Adrien Hébert.

Lucien Boudot et Fernand Cerceau sont chargés de la scène de la Rencontre de Jacques Cartier avec le chef autochtone Agouhana.

Pour la scène célèbre de La venue de Jacques Cartier sur le Mont Royal, il en confie la réalisation au peintre Alfred Faniel, un peintre d’origine belge.

Pour la scène du Serment de Dollard des Ormeaux, il retient les services du peintre Raymond Pellus, bien connu pour ses vitraux d’église.

Robert Pilot est chargé de la scène de Maisonneuve érige une croix sur la montagne.

Au peintre Georges Delfosse, reconnu pour la conception de nombreuses scènes religieuses, en particulier pour celle de la première messe dite sur l’île du Mont Royal au Sault-au-Récollet, il confie la scène de la Fondation de Montréal le 18 mai 1642.

W. H. Taylor se voit confier la conception de la scène de La fondation de Montréal décidée à Paris.

Thurstan Topham réalise la mémorable scène du Combat de Dollard des Ormeaux au Long Sault.

Le peintre Marc-Aurèle Fortin reconnu pour ses scènes rurales, en particulier pour les arbres aux dimensions généreuses, produit La venue en 1603 de Samuel de Champlain à la Rivière-des-Prairies.

Ces tableaux sont importants, aujourd’hui, au point de vue éducatif puisqu’ils rappellent les débuts du Canada, du Québec et de Montréal.

Le peintre oublié

Après la deuxième guerre mondiale, durant laquelle il ralentit son travail de peintre, Octave Bélanger reprend ses habitudes de grand artiste et fait de nombreuses esquisses au cours de ses voyages. Il sillonne le Québec et le Canada, surtout les campagnes dont celles des Pays-d’en-haut, au nord de Montréal.

Sa vie, c’est son art. Sa place, c’est assis derrière son chevalet. Il est bien là. Il oublie son âge. Ses toiles gardent toujours une fraicheur, un charme profond, une grande douceur et savent parler à l’âme. Elles sont l’histoire peinte de notre pays, de nos campagnes. Octave Bélanger travaille ardemment mais on l’oublie. Il devient peu à peu méconnu après de belles années si fructueuses à Paris. Son style de peinture est rejeté pour le non-figuratif pendant de longues années. Son nom s’efface de la mémoire. Il est dans un univers différent et parallèle et semble pris dans ses filets.

Il est l’un des peintres les plus prolifiques du Canada français et du Québec. Les années ’20 furent le temps de son apogée. Puis, il devient plus ou moins méconnu, alors que ses contemporains se taillent une place enviable et se détachent de lui.

Malgré qu’Octave Bélanger ait fréquenté Clarence Gagnon, Marc-Aurèle Fortin, René Richard, Narcisse Poirier, Paul-Émile Borduas, Jean-Paul Lemieux, et tant d’autres comme on l’a vu précédemment lors de la réalisation des tableaux historiques qui ornent le Chalet du Mont-Royal de la ville de Montréal, il traverse maintenant un désert.

Le critique Pierre-Paul Cormier d’Ottawa, qui cherche à le rappeler aux nouvelles générations, écrit: «Les jeunes ont le regard tourné vers l’avenir, le leur, ce qui est fort louable, mais délaissent, par ailleurs, les artistes du passé, ceux qui nous ont précédé et amené l’art d’ici à son état actuel. La montée de chaque nouvelle génération d’artistes ne suppose pas le début du monde».

Presque oublié avec le temps, il n’a pas été reconnu à son juste mérite depuis sa mort. C’est pour rétablir le lien avec le passé que j’ai préparé cette page internet sur mon site. J’ai rencontré quelques membres de la famille Bélanger et j’ai appris à connaître certains de ses membres qui ont fait leur marque au Québec, d’hier à aujourd’hui. Ils étaient des artisans de la fonte, des industriels, des inventeurs, des ingénieurs civils, des hommes et des femmes d’affaires et des artistes dont Octave Bélanger, la chanteuse Renée Claude

Il est le peintre oublié, mais lentement et heureusement, le réveil artistique pour ce qui est beau semble vouloir reprendre le temps perdu.

De sa maison à Labelle, près du lac Labelle, au nord de Montréal dans les Laurentides, Octave Bélanger a sillonné les Pays-d’en-haut du curé Labelle pour réaliser des centaines de toiles montrant la beauté sauvage de ce territoire unique et bien connu au Québec pour devenir le plus grand peintre des Pays-d’en-haut.

L’expression «les Pays-d’en-haut» fut employée relativement très tôt en Nouvelle-France. Non seulement le comte de Frontenac, gouverneur de la Nouvelle-France s’en servait mais également le roi Louis XIV. Au début de la colonisation, le mot «haut» et l’expression «Pays-d’en-haut» se rapportaient à toute la région au nord du Saint-Laurent et « à l’ouest de Montréal jusqu’au lac Ontario » ce qui correspondait à tout ce qu’il y avait «en haut» des rapides de Lachine.

Cette appellation de «Pays-d’en-haut» fut utilisée durant tout le Régime français, c’est-à-dire de 1604 à 1763, date de la signature du traité de Paris qui cédait la Nouvelle-France à la Grande-Bretagne.

Du temps du Curé Labelle, les Pays-d’en-haut se situaient au nord de Ste-Agathe jusqu’au Témiscaminque. Claude-Henri Grignon, l’auteur du roman « Un homme et son péché », disait souvent, sourire en coin, que par la popularité de son œuvre, il avait « déménagé les Pays-d’en-haut » plus au sud, vers Ste-Adèle. En fait, il a changé le nom existant qui était « les Cantons du Nord ». Il savait très bien qu’il bousculait l’histoire de l’Amérique française et qu’il imposait un anachronisme géographique en employant de façon systématique l’expression « les pays d’en haut » (comme à l’origine sans majuscules ni traits d’union).

Aujourd’hui, l’expression demeure et représente, pour les Québécois, le territoire au nord de Montréal à partir de St-Adèle jusqu’à quelques centaines de km au nord à Mont Laurier, à l’ouest jusqu’à la frontière de l’Ontario et du Témiscaminque et à l’est dans l’axe de la ville de Rawdon et le parc du Mont Tremblant. Il est subdivisé en municipalités régionales dont une, où se situe Ste-Adèle, porte toujours le nom «Les Pays-d’en-haut». Le territoire est situé dans la chaine de montagnes des Laurentides et est parsemé de lacs. Il est de toute beauté, magnifique, calme, spectaculaire et un rêve pour un peintre qui aimait la nature comme Octave Bélanger.

C’est un certain Augustin-Norbert Morin qui en 1855 a acquis un vaste territoire au nord de Saint-Jérôme et s’est installé dans un emplacement, nommé aujourd’hui Saint-Adèle, où il a construit sa maison, une scierie, une minoterie et un moulin à carde.

Vers 1867, le prêtre Antoine Labelle est nommé curé de la paroisse catholique de Saint Jérôme. Il constate la dégradation de la situation des catholiques dans l’Outaouais. Il craint la colonisation vers l’Ouest par les protestants et œuvre pour que les comtés d’Argenteuil et d’Ottawa demeurent toujours aux mains des catholiques. Il réussit et veut épandre la colonisation partout au nord et vers le Nord-ouest jusqu’au Témiscaminque et plus loin. Il exerce son zèle dans un rayon de 200 kilomètres. Il parcourt en tous sens le territoire pour choisir l’emplacement des futurs villages en fonction de leur situation, de la fertilité des terrains, des cours d’eau et du tracé éventuel de la ligne de chemin de fer dont il rêve.

Le curé Labelle, surnommé le « roi du nord », recrute, par des prêches, cinq milles colons. Ce sont des gens pauvres, quelquefois victimes de faillites, ou des agriculteurs qui veulent repartir à zéro. Il accorde à chacun 100 acres et quatre ans pour développer le dixième de la terre, se bâtir une maison et devenir ainsi propriétaire légitime. Dès que 300 colons sont installés, il crée la paroisse. Et, pour 500 dollars, il fait construire une chapelle-presbytère-école dont il a tracé les plans. Il est largement en avance sur son époque et prévoit l’exportation du beurre en Europe, l’ensilage, l’utilisation d’engrais. Il fondera vingt-neuf cantons dontMinerve, Joly, Labelle, La Macassa, Lesage,… et ouvrira vingt paroisses dont: L’Ascension, La Conception, Nominingue, L’Annonciation, Ferme-Neuve, Mont-Laurier, Notre-Dame-de-Pontmain, Notre-Dame-de-Laus, Saint Gérard de Kamiaka, La Nativité de Marie, Saint-Jovite, La Minerve, du Lièvre, Saint-Rémi-d’Amherst, La Chute aux Iroquois, Maskinongé, Saint-Faustin, etc.

Son ambition la plus grande, c’est la construction d’une ligne de chemin de fer. Il en a dessiné le tracé de Montréal à Saint-Jérôme, puis jusqu’au Témiscaminque. Pour ce faire, il a mis son influence au service de l’élection d’Adolphe Chapleau, le chef conservateur et Premier Ministre du Québec. Mais, une fois élu, ce dernier se révèle plus sensible à d’autres influences. Les circonstances veulent que le curé Labelle organise, lors du terrible hiver de 1872, un convoi de 80 chariots qui apportent gratuitement du bois de chauffage aux pauvres de Montréal qui se meurent de froid. Le gouvernement a compris et, en 1879, la ligne de chemin de fer Montréal – Saint-Jérôme est inaugurée et le développement des Pays-d’en-haut est assuré.

Le curé Labelle fait défricher un chemin, longtemps désiré, le « Chemin Chapleau », pourtraverser la forêt et relier la « Chûte aux Iroquois » sur la rivière rouge, où éventuellement il crée une paroisse « La Nativité ». Cette dernière deviendra le village de la Chûte aux Iroquois qui prendra le nom de Labelle, suite à la mort du « roi du nord ». Il est situé à 100 km de St-Jérôme, sur le bord du lac Labelle. C’est là qu’Octave Bélanger construira la maison de ses rêves et qu’il deviendra, entre autres, le peintre des Pays-d’en-haut.

Le Pays-d’en-haut éveille chez Octave Bélanger le désir de l’exploration grâce à sa sublime beauté de paysages sauvages, sa forêt intense avec ses arbres, ses pins, ses sapins, ses bouleaux et leurs couleurs saisonnières, ses montagnes, ses massifs, ses rochers, ses douces collines, ses ruisseaux qui se jettent dans ses lacs petits, grands, immenses, sa rivière du nord, sa neige et à la force qui unit l’homme aux grands espaces.

Il renonce à la peinture

Lors de la deuxième guerre mondiale, Octave Bélanger retourne s’occuper du garage. C’est alors qu’il renonce à peindre. Sa fille Marcelle se souvient d’une conversation qu’elle a eu avec son père à cette époque. Elle lui fait remarquer qu’il ne peint plus jamais, ni le soir, ni la fin de semaine. «Sans doute que tu n’aimais pas la peinture tant que ça», lui dit-elle pour le piquer un peu. Et son père de lui répondre: «Si jamais j’avais le malheur de retoucher à mes pinceaux, je serais incapable de retourner travailler au garage.». Le garage fut éventuellement vendu, vers 1942, au magasin Dupuis et Frères, qui en fit son centre de réception et de livraison.

Puis, durant la guerre Octave Bélanger œuvre comme architecte pour la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

L’après-guerre

Octave Bélanger revient à la peinture après le décès de son épouse, Juliette Guillemette, survenu en 1948. Une voisine de longue date, veuve elle-aussi, Alice Ouellette-Paré, joue un rôle important dans ce revirement. Elle persuade Octave de lui donner des cours de dessin et de reprendre ses activités artistiques. Elle devient rapidement sa compagne et l’accompagne jusqu’à la fin de ses jours.

Au cours des années cinquante et soixante, Octave Bélanger et Alice Ouellette-Paré effectuent de nombreux voyages dans le Sud de la France, à Menton, en Guadeloupe et en Martinique. Au cours de ses dernières années, Octave Bélanger partage son temps entre sa résidence de Montréal-ouest, une petite maison à Tampa en Floride en hiver et son chalet du lac Labelle, l’été.

En 1969, Octave Bélanger est encore très actif et peint 4 à 5 heures par jour.

Il décède à Montréal,le 4 décembre 1972, à l’âge de 86 ans.

Il a laissé aux esthètes un héritage fort d’une soixantaine d’années de peinture. Sa manière a été qualifiée d’«art délicat».Il a peint de sa main ce que lui dictait son âme, son esprit, ses yeux.

Claude Dupras

sources: Wikipedia, sites internet, familles Bélanger, notes personnelles.