
On ne peut visiter la très belle ville de Barcelone sans ĂŞtre fortement impressionnĂ© par les oeuvres de l’architecte catalan Antonio Gaudi.
La plus remarquable est La Sagrada FamĂlia qui est la basilique mineure catholique de Barcelone. C’est l’un des exemples les plus connus du modernisme catalan et un monument emblĂ©matique de la ville. Ĺ’uvre inachevĂ©e de GaudĂ, la Sagrada FamĂlia est situĂ©e dans le quartier du mĂŞme nom. L’architecte a fait de cet Ă©difice un poème mystique. Il a Ă©galement fait preuve de grandes audaces de construction, telles la manière de concevoir la structure d’arc parabolique ou la combinaison des traitements sculpturaux naturalistes et de l’abstraction des tours.
La Sagrada FamĂlia est le monument le plus visitĂ© d’Espagne, dĂ©passant l’Alhambra de Grenade et le musĂ©e du Prado Ă Madrid. Il attire plus de 3 millions de visiteurs. L’œuvre rĂ©alisĂ©e du vivant d’Antonio GaudĂ, la crypte et la façade de la NativitĂ©, a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e patrimoine de l’humanitĂ© par l’Unesco en 2005.
Les travaux sont exclusivement financĂ©s par l’aumĂ´ne. En consĂ©quence, il n’a pas Ă©tĂ© possible de construire simultanĂ©ment les diffĂ©rentes parties du monument lorsqu’il l’eut fallu. Mais depuis les annĂ©es 1990, grâce Ă l’affluence de visiteurs, on doit payer pour la visiter et les revenus gĂ©nĂ©rĂ©s par les entrĂ©es ont permis d’accĂ©lĂ©rer la construction et de penser qu’un jour, d’ici 20 ans, cette Ĺ“uvre gigantesque et si originale sera terminĂ©e. De visite en visite, on peut voir l’avancement des travaux et grâce aux photos des albums affichĂ©es dans ce photoreportage et captĂ©es par Claude Dupras en 2003, 2005, 2006 et 2011, le lecteur pourra le constater.
Histoire
Le 31 décembre 1881, Josep Maria Bocabella mandaté par « l’association des dévots de Saint-Joseph » acquiert, avec de l’argent collecté par l’aumône, l’îlot de maisons compris entre les rues Mallorca, Marina, Provença, et Sardenya. L’objectif est d’y élever une église dédiée à la Sainte Famille. En plus de l’église, le projet prévoit la construction d’écoles. Le premier architecte nommé est Francesc de Paula Villar i Lozano. Il élabore un projet d’église de style néo-gothique comprenant une nef de trois vaisseaux fermée par un chœur à déambulatoire. Le jour de la Saint-Joseph de 1882, l’évêque en pose la première pierre en accord avec la proclamation du concile Vatican I qui fait de saint Joseph le patron de l’Église universelle.
L’idĂ©e de Bocabella est de faire de l’édifice une rĂ©plique du sanctuaire de Lorette que l’on suppose ĂŞtre la maison de Joseph et de Marie Ă Nazareth. Del Villar refuse cette approche. Les dĂ©saccords se multiplient entre lui, Bocabella et son assesseur, l’architecte Joan Martorell Montells. Ce dernier recommande en 1883 son ancien apprenti Antonio GaudĂ, porteur d’un projet plus ambitieux.
Nouvel architecte
Le projet prĂ©sentĂ© par GaudĂ, alors âgĂ© de 31 ans, constitue un changement total par rapport Ă celui de son prĂ©dĂ©cesseur. Il prĂ©voit la construction d’un temple Ă l’architecture issue de son imagination personnelle, de tendance naturaliste-moderniste. Ce nouveau projet augmente sensiblement les dimensions de l’église et prĂ©voit une grande tour centrale de 170 mètres de haut dĂ©diĂ©e Ă JĂ©sus-Christ.
AcceptĂ© avec un grand enthousiasme par le promoteur, le nouvel architecte va dĂ©dier le reste de sa vie Ă cette Ĺ“uvre. Il consacra ses quinze dernières annĂ©es exclusivement Ă la rĂ©alisation de la Sagrada FamĂlia. Une Ă©cole pour les enfants des ouvriers est construite Ă proximitĂ© de la basilique. Gaudi y installe aussi ses bureaux et un endroit pour y vivre.
En décembre 1884, Gaudà signa le projet dans la chapelle Saint-Joseph, dans l’abside de la crypte. Cette année-là une équipe comprenant huit manœuvres, dix tailleurs de pierres, douze sculpteurs et un nombre indéterminé de charpentiers et de serruriers travailla au chantier. En 1886, les sept chapelles de la Crypte sont construites. En 1891 les travaux de la façade de la Nativité commencèrent.
Gaudà présente les travaux du temple aux représentants du Vatican en 1915. À cette occasion, Monseigneur Ragonesi qualifie Gaudà de « Dante de l’architecture ». Gaudà comprit qu’il ne verrait jamais son œuvre achevée et qu’à sa mort, le projet risquait d’être amputé par manque de financements ou d’intérêts. Il pensait que s’il construisait d’abord la nef centrale pour ensuite l’agrandir progressivement avec l’érection des tours, de l’abside, et de ses façades, le projet pourrait être modifié et le chantier s’arrêter dès que l’église pourrait remplir sa fonction de lieu de culte. Pour cette raison, il décida d’élever au maximum d
e leurs hauteurs des parties significatives mais peu fonctionnelles et extérieures au temple. De cette manière, il rendit impossible la modification de la hauteur prévue : les parties construites ne trouveront leur utilité que lorsque le temple sera intégralement terminé, et, chose plus importante encore, il laissa une marque importante de son style architectural très personnel, ce qui servit de guide à sa mort pour la poursuite du chantier. Gaudà ne vit construit que la façade de la Nativité, la tour Saint-Barnabé et une partie du côté extérieur du mur de l’abside.
En 1906, une fois les travaux de la « casa Milà » achevĂ©s, GaudĂ se concentra presque exclusivement au projet de la Sagrada FamĂlia, en concevant les plans du temple et en en dirigeant la construction. Ce chantier occupa toute sa carrière durant un quart de siècle.
Renversé par un tramway, Antoni Gaudà décéda le 10 juin 1926. Il est enterré dans la crypte, dans la chapelle dédiée à la Mère de Dieu des Carmes le 12 juin 1926. L’église était à peine commencée. Son masque mortuaire permis à un artiste de réaliser un buste de Gaudi.
Héritage du maître
De 1926 Ă 1936, l’assistant de GaudĂ, Domènec Sugrañes acheva les travaux des trois tours qui restaient Ă finaliser pour terminer l’ensemble de la façade de la NativitĂ©.
La guerre civile espagnole
Durant la guerre civile espagnole, la majeure partie de l’atelier de GaudĂ fut incendiĂ©e. En raison de la destruction des Ă©bauches, des maquettes, des modèles du temple et d’informations sur la manière de travailler tout Ă fait particulière de GaudĂ, il ne restait aucun plan directeur indiquant comment terminer l’ouvrage. Aussi, quand en 1944, on reprit la construction de la Sagrada FamĂlia, il fallut dĂ©finir dans un premier temps comment procĂ©der pour la poursuite du chantier, tout en restant le plus fidèle possible aux idĂ©es de GaudĂ. Les architectes Francesc Quintana, Isidre Puig i Boada et LluĂs Bonet i GarĂ s’acquittèrent de cette tâche difficile et Jaume Busquets rĂ©alisa ce travail pour les sculptures.
Les travaux commencèrent l’année suivante, les tours furent achevées et inaugurées pour le cinquantième anniversaire de la mort de Gaudà en 1976. La construction de la crypte s’acheva en 1958 et le musée ouvrit en 1961.
Josep Maria Subirachs commença en 1986 le statuaire de la façade de la Passion. L’installation des premières statues en 1990 provoqua de nombreuses polémiques en raison de leurs styles contemporains et arides, très différent de celui que Gaudà appliqua à sa façade de la Nativité. Les travaux des voûtes des nefs commencèrent en 1995 par les collatéraux suivis en 2000 par la nef centrale. La couverture du temple a été complétée en 2008.
Période contemporaine
Depuis 1987, les travaux sont sous la direction de Jordi Bonet i Armengol. Les faiblesses dans les matériaux utilisés pour la crypte obligent à procéder à des renforcements. Ceux-ci se terminent en 2002. Cette même année voit le début des travaux de la façade de la Gloire. Trois ans après, en 2005, la partie construite sous la direction de Gaudà (la crypte et la façade de la Nativité) est classée au patrimoine culturel de l’Humanité par l’Unesco.
La Sagrada Familia est couverte en 2008 et est ouverte au culte conformément au souhait de Joan Rigol. En 2009, les premières structures de la tour de la Vierge apparaissent. L’église est consacrée par le pape Benoît XVI le 7 novembre 2010.
D’après des estimations basĂ©es sur les avancĂ©es des techniques modernes et la croissance des dons, la construction devrait s’achever en 2026 pour le centenaire de la mort de GaudĂ.
Financement
La construction de la Sagrada FamĂlia n’est financĂ©e que par l’aumĂ´ne et les dons Ă l’exclusion de tous fonds publics. Si certains mĂ©cènes de GaudĂ sont connus comme le cĂ©lèbre Eusebi GĂĽell i Bacigalupi, comte GĂĽells, la majoritĂ© des donateurs est anonyme
et les montants inconnus.
La majeure partie des fonds provient des entrées pour la visite du temple. En 2008, 2,7 millions de personnes ont visité le temple[2]. Les tarifs des entrées individuelles s’échelonnent entre 10 € et 16 €.
Après une baisse de 27 % des visiteurs en 2009, le budget alloué à la construction était de 18 millions d’euros.
Les fonds et le rythme de construction sont gérés par une association à but non lucratif autonome et privée créée en 1893 et présidée par l’archevêque de Barcelone. La direction et la coordination des travaux sont déléguées à des professionnels sans intérêt ecclésiastique.
Architecture
Gaudà avait de solides connaissances liturgiques, sur lesquelles il a pu appuyer ses réflexions pour définir une nouvelle architecture religieuse.
Le plan au sol de l’édifice au-dessus de la crypte est une croix latine classique comprenant une nef de cinq vaisseaux (vaisseau central flanqué d’un double collatéral de part et d’autre) ouvrant sur un transept à trois nefs, et une abside dotée d’un très grand déambulatoire. Celui-ci s’ouvre sur sept chapelles rayonnantes polygonales et deux escaliers en colimaçon donnant accès aux chœurs qui entourent l’abside.
Les chapelles sont consacrées au culte de saint Joseph. Au pied de l’église sont situées les grandes chapelles circulaires des baptêmes, celles des pénitents et des vertus théologales : Foi, Espérance, et Charité.
GaudĂ conçoit une iconographie complexe qui se base sur la fonction de temple catholique de son Ă©difice et sur le culte religieux dont il adapte tous les Ă©lĂ©ments aux rites liturgiques. Ă€ ces fins, GaudĂ s’inspire principalement de «L’an Liturgique» de Prosper GuĂ©ranger. Il s’agit d’une compilation de tous les cultes et festivitĂ©s religieuses se dĂ©roulant dans l’annĂ©e comme le Missel de Rome et le CĂ©rĂ©monial de l’évĂŞque. Pour GaudĂ, la Sagrada FamĂlia est un hymne Ă Dieu dans lequel chaque pierre est une strophe. L’extĂ©rieur du temple reprĂ©sente l’Église, Ă travers les apĂ´tres, les Ă©vangĂ©listes, la Vierge et JĂ©sus. La tour principale Lui est dĂ©diĂ©e et symbolise le triomphe de l’Église. L’intĂ©rieur est une adulation Ă l’Église universelle. La croisĂ©e du transept est une vĂ©nĂ©ration Ă la JĂ©rusalem cĂ©leste, symbole mystique de la paix.
Les colonnes
Les piliers de la nef centrale sont structurés en arbre : les colonnes de base sont inclinées et se ramifient en branches et en feuilles. Les troncs des colonnes intérieures sont réalisés par des intersections successives de polygones en étoile. Ils se terminent par un chapiteau en forme de nœud elliptique d’où sortent des colonnes plus fines qui forment les branches. Les colonnes soutenant le transept et l’abside sont faites de porphyre, un matériau très résistant en provenance d’Iran.
Le système de construction des colonnes de support de la place du parc GĂĽell a Ă©tĂ© rĂ©utilisĂ© pour les colonnes des nefs de la Sagrada FamĂlia. Il s’agit d’élĂ©ments prĂ©fabriquĂ©s d’un mètre de hauteur avec une armature correspondante et des mosaĂŻques pour dĂ©coration. Les pierres sont, selon les colonnes, des pierres de MontjuĂŻc, du granite, du basalte et du porphyre. Comme au parc GĂĽell, GaudĂ a utilisĂ© du bĂ©ton armĂ© pour les pointes des campanules de la façade de la NativitĂ© oĂą il a validĂ© l’usage du ciment Portland.
Les colonnes intérieures respectent divers symboles : les quatre de la croisée de transept sont dédiées aux évangélistes et les douze qui entourent cette croisée sont dédiées aux apôtres. Saint Pierre et saint Paul sont à côté de l’autel. Le reste des colonnes est dédié aux diocèses qui ont continué l’œuvre des apôtres : dans la croisée, ceux de Catalogne et, dans la nef centrale, ceux du reste de l’Espagne. Les collatéraux (les nefs latérales) sont dédiés aux cinq continents. Chaque colonne porte un saint patron du diocèse qu’elle représente.
Voûtes
Les voĂ»tes possèdent des clefs de voĂ»te perforĂ©es de forme hyperboloĂŻde pour permettre l’arrivĂ©e de chaleur naturelle. Un Ă©lĂ©ment central dans la conception gaudienne de la structure architecturale de l’édifice est l’arc parabolique ou chaĂ®nette, Ă©galement nommĂ© funiculaire de forces, qui est considĂ©rĂ© comme l’élĂ©ment le plus adĂ©quat pour supporter les contraintes. Au moyen de simulations avec plusieurs poly-funiculaires expĂ©rimentaux, GaudĂ dĂ©termine la forme optimale de la structure pour supporter la pression des arcs et des voĂ»tes. L’architecte avait dĂ©jĂ appliquĂ© cette technique dans la crypte de la colonie GĂĽell avant de la mettre en Ĺ“uvre Ă la Sagrada FamĂlia. Il dĂ©veloppe une technique de modĂ©lisation respectant les Ă©chelles de distances et de poids Ă partir de fils entrelacĂ©s sous lesquels sont suspendus de petits sacs de lests. Les fils ainsi lestĂ©s reprĂ©sentent la voĂ»te inversĂ©e et reproduisent la forme optimale de la structure en traction. Lors de l’inversion du modèle, c’est-Ă -dire quand le bas du fil devient le sommet de la voĂ»te, on obtient la structure correspondante pour travailler en compression pour le poids correspondant au lest. GaudĂ a nommĂ© cette technique « stĂ©rĂ©ostatique » ; il Ă©crit Ă propos de son procĂ©dĂ© : « la structure qu’aura la Sagrada FamĂlia, je l’ai d’abord expĂ©rimentĂ©e Ă la colonie GĂĽell. Sans ce premier essai, je n’aurai pas pu l’adapter au Temple ».
Les nefs centrales du temple couvertes par ces clefs de voûte sont terminées en 1993 par l’architecte Jordi Bonet et Armengo. La couverture de la nef centrale est construite à base de voûtes catalanes d’un bloc plan fixées à une hauteur de 45 mètres, munies d’une pièce triangulaire de verre de Venise. Dans ses espaces intermédiaires, celui-ci est vert et doré à la façon des mosaïques ; il représente alors une feuille de palmier.
GaudĂ modifie sa conception du temple au fil du temps, et ce d’autant plus que les interruptions des travaux pour motif Ă©conomique lui donnent plus de temps pour imaginer de nouvelles solutions structurelles. Il profite de ses expĂ©rimentations sur d’autres projets pour incorporer Ă la Sagrada FamĂlia ses innovations les plus rĂ©ussies : la crypte de la colonie GĂĽell et les galeries et les viaducs du parc GĂĽell ont servi pour adopter de nouvelles solutions architecturales basĂ©es sur des hyperboloĂŻdes, des paraboloĂŻdes et des colonnes hĂ©licoĂŻdales. De mĂŞme, les tours de la Sagrada FamĂlia sont inspirĂ©es d’un projet non rĂ©alisĂ© pour une mission catholique franciscaine Ă Tanger en 1892.
Comme pour la partie extérieure de l’édifice, l’intérieur a une grande signification religieuse : la coupole de l’abside est couverte d’une mosaïque représentant les habits de Dieu couvrant la voûte céleste. Depuis le triforium supérieur de l’abside tombent sept rayons de lumière qui symbolisent l’Esprit saint. L’autel est démarqué par un arc de triomphe qui porte le calvaire de Jésus, complétant ainsi la sainte Trinité. L’arc triomphal porte le chant du Gloria de la messe, tel un baldaquin couronné par une croix de laquelle sort une figue qui couvre l’ensemble de son ombre, et un lampadaire de cinquante lampes à huile inspiré de la basilique Saint-Jean de Latran.
Tours et Ciborium
Une fois achevée, l’église comptera dix-huit tours. Elles ont un profil parabolique et disposent d’escaliers hélicoïdaux. L’une, sur l’abside, symbolisera la Vierge et sera couronnée par une étoile à douze pointes. À chacun des douze apôtres sera dédiée l’une des quatre tours des trois portails. De la même manière, les évangélistes seront associés aux quatre campaniles de 125 mètres entourant le ciborium central. Leurs pinacles seront couronnés par les symboles des évangélistes : l’homme pour saint Matthieu, le lion pour saint Marc, le taureau pour saint Luc et l’aigle pour saint Jean. Au centre, le ciborium doit être surmonté d’une grande tour lanterne de 170 mètres dédiée au Christ. Elle sera située au-dessus de la croisée et surmontée d’une « croix de Gaudà » tridimensionnelle.
Le ciborium surmonté de la tour de Jésus a été défini ainsi par Gaudà : « le ciborium est l’exaltation du temple. Il a une vie extérieure, il doit donner la lumière de l’autel ; puisque la croisée est le lieu le plus sombre du temple, au-dessus de lui il doit y avoir le couronnement de l’édifice pour accentuer sa forme pyramidale »
Pas de commentaire