Annexe -9-
Accord de Charlottetown
L’Accord de Charlottetown à été soumis par référendum à la population du Québec et du Canada le 17 septembre 1992.
La question posée était la suivante:
« Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l’entente conclue le 28 août 1992? »
ACCORD DE CHARLOTTETOWN
1.UNITÉ ET DIVERSITÉ
A.LES CITOYENS ET LES COLLECTIVITÉS
1. La clause Canada
Il conviendrait d’incorporer en tant qu’article 2 de la Loi constitutionnelle de 1867 une nouvelle clause qui exprimerait les valeurs fondamentales du Canada. Cette disposition Canada guiderait les tribunaux dans leur interprétation de l’ensemble de la Constitution, y compris de la Charte canadienne des droits et liberté.
La Loi constitutionnelle de 1867 est modifiée par insertion, après l’article 1, de ce qui suit:
2. (1) Toute interprétation de la Constitution du Canada, notamment de la Charte canadienne des et liberté, doit concorder avec les caractéristiques fondamentales suivantes :
a) le fait que le Canada est une démocratie attachée a un régime parlementaire et fédéral ainsi qu’à la primauté du droit;
b) le fait que les peuples autochtones du Canada, qui ont été les premiers gouvernants du territoire, ont le droit de promouvoir leurs langues, leurs cultures et leurs traditions et de veiller à l’intégrité de leurs société, et le fait que leurs gouvernements forment un des trois ordres de gouvernement du pays;
c) le fait que le Québec forme au sein du Canada une société distincte, comprenant notamment une majorité d’expression française, une culture qui est unique et une tradition de droit civil;
d) l’attachement des Canadiens et de leurs gouvernements à l’épanouissement et au développement des communautés minoritaires de langue officielle dans tout le pays;
e) le fait que les Canadiens sont attachés a l’égalité raciale et ethnique dans une société qui comprend des citoyens d’origines multiples dont la contribution à l’édification d’un Canada fort reflète sa diversité culturelle et raciale;
f) l’attachement des Canadiens au respect des droits et libertés individuels et collectifs;
g) l’attachement des Canadiens au principe de l’égalité des personnes des deux sexes;
h) le fait que les Canadiens confirment le principe de l’égalité des provinces dans le respect de leur diversité.
(2) La législature et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir la société distincte.
(3) Le présent article ne porte pas atteinte aux pouvoirs, droits ou privilèges du Parlement ou du gouvernement du Canada, des législatures ou des gouvernements des provinces, ou des corps législatifs ou des gouvernements des peuples autochtones du Canada, y compris à leurs pouvoirs, droits ou privilèges en matière de langue, et il est entendu que le présent article ne porte pas atteinte aux droits, ancestraux ou issus de traités, des peuples autochtones du Canada.
2. Les Peuples autochtones et la Charte canadienne des droits et libertés
Il conviendrait de renforcer la disposition de la Charte touchant les peuples autochtones (l’article 25, la clause de non-dérogation) afin de faire en sorte que la Charte ne porte pas atteinte aux droits – ancestraux, issus de traités ou autres – des peuples autochtones et, en particulier, aux libertés portant sur l’utilisation ou la protection de leurs langues, de leurs cultures ou de leurs traditions.
3. Les communautés linguistiques au Nouveau-Brunswick
Il conviendrait d’ajouter à la Charte canadienne des droits et libertés une modification constitutionnelle distincte qui n’exigerait le consentement que du Parlement du Canada et de l’assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Cette modification consacrerait l’égalité des communautés anglophones et francophones du Nouveau-Brunswick, notamment le droit à des institutions d’enseignement distinctes et aux institutions culturelles distinctes nécessaires a leur protection et a leur promotion, Elle porterait également que le rôle de la législature et du gouvernement du Nouveau-Brunswick de protéger et de promouvoir cette égalité est confirmé.
B. L’UNION SOCIAL ET ÉCONOMIQUE DU CANADA
4. L’union sociale et économique
II conviendrait d’ajouter à la Constitution une nouvelle disposition décrivant l’engagement des gouvernements, du Parlement et des assemblées législatives de la fédération envers le principe de la préservation et du développement de l’union sociale et économique canadienne. Cette nouvelle disposition, intitulée L’union sociale et économique devrait être rédigée de façon à énoncer une série d’objectifs sous-tendant l’union sociale et l’union économique, respectivement. Elle ne devrait pas être justiciable. Il conviendrait que les objectifs énoncés dans la disposition sur l’union sociale englobent notamment les points suivants :
· fournir dans tout le Canada un système de soins de santé complet, universel, transférable, administré publiquement et accessible;
· assurer des services et des avantages sociaux suffisants afin que tous les habitants du Canada aient un accès raisonnable au logement, a l’alimentation et aux autres nécessités fondamentales;
· fournir une éducation primaire et secondaire de haute qualité a tous les habitants du Canada et assurer un accès raisonnable à l’enseignement postsecondaire;
· protéger les droits d’association et de négociation collective des travailleurs;
· protéger, préserver et maintenir l’intégrité de l’environnement pour les générations actuelles et futures.
Il conviendrait que les objectifs énoncés dans la disposition sur l’union économique englobent notamment les points suivants :
· travailler ensemble en vue de renforcer l’union économique canadienne;
· assurer la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux;
· poursuivre l’objectif du plein emploi;
· faire en sorte que tous les Canadiens aient un niveau de vie raisonnable;
· assurer un développement durable et équitable.
Un mécanisme de surveillance de l’union sociale et économique devrait être arrêté par une conférence des premiers ministres.
Il conviendrait d’inclure dans la Constitution une disposition précisant que l’union sociale et économique ne porte pas atteinte à la Charte canadienne des droits et libertés.
5. Les inégalités économiques, la péréquation et le développement régional
L’article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982 engage actuellement le Parlement et le gouvernement du Canada ainsi que les gouvernements et les législatures des provinces à promouvoir l’égalité des chances et le développement économique dans tout le pays et à fournir à tous les Canadiens des services publics sensiblement comparables. Le paragraphe 36 (2) engage le gouvernement fédéral envers le principe des paiements de péréquation. Ce paragraphe devrait être ainsi modifié :
« Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l’engagement de faire des paiements de péréquation propres a donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour être en mesure d’assurer les services publics à des niveaux de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.» Il conviendrait d’élargir la portée du paragraphe 36(1) de manière à inclure les territoires.
Il faudrait modifier le paragraphe 36(1) de façon a ajouter un engagement permettant la mise en place d’infrastructures économiques da nature nationale sensiblement comparables dans chaque province et territoire.
I1 conviendrait d’inclure dans la Constitution l’engagement du gouvernement fédéral à tenir des consultations significatives avec les provinces avant de déposer des projets de loi touchant les paiements de péréquation.
Il conviendrait d’ajouter un nouveau paragraphe 36(3) consacrant l’engagement des gouvernements à promouvoir le développement économique régional afin de réduire les inégalités économiques.
II est également fait mention du développement régional au point 36 du présent document.
6. Le marché commun
L’article 121 de la Loi constitutionnelle de1867 demeurerait inchangé.
Le détail des principes et des engagements relatifs au marché commun canadien est exposé dans l’accord politique du 28 août 1992. Les premiers ministres détermineront la meilleure démarche à adopter pour les mettre en œuvre à une future conférence des premiers ministres sur l’économie. Ils seraient habilites à créer un organisme indépendant de règlement des différends et à déterminer quels devraient être son rôle, son mandat et sa composition.
II. LES INSTITUTIONS
A. LE SÉNAT
7. Un Sénat élu
I1 conviendrait que la Constitution soit modifiée de façon que les sénateurs soient élus, soit par la population des provinces ou territoires du Canada, soit par les députés des assemblées législatives des provinces et territoires.
Il conviendrait que les élections au Sénat soient régies par la législation fédérale, sous réserve de dispositions constitutionnelles portant que les élections doivent avoir lieu au même moment que les élections à la Chambre des communes et d’autres dispositions constitutionnelles portant sur l’éligibilité et le mandat des sénateurs. En outre, la législation fédérale serait suffisamment souple pour permettre aux provinces et aux territoires de favoriser l’égalité des sexes dans la composition du Sénat.
Il conviendrait d’accélérer les choses afin que les élections au Sénat aient lieu le plus tôt possible et, si cela est faisable, au même moment que les prochaines élections à la Chambre des communes.
8. Un Sénat égal
Le Sénat devrait comprendre à l’origine 62 sénateurs et se composer de six sénateurs de chaque province et d’un sénateur de chaque territoire.
9. La représentation des peuple autochtones au Sénat.
II conviendrait que la représentation autochtone au Sénat soit garantie dans la Constitution. Les sièges autochtones au Sénat devaient s’ajouter aux sièges provinciaux et territoriaux, et non pas être tirés des sièges alloués aux provinces ou aux territoires,
I1 conviendrait que les sénateurs autochtones aient les mêmes rôles et pouvoirs que les autres sénateurs, en plus d’un pouvoir possible de double majorité relativement à certaines questions touchant de façon importante les peuples autochtones. Ces questions et les autres détails de la représentation autochtone au Sénat (nombre, répartition, méthode de sélection) seront discutés plus à fond par le gouvernements et les représentants des peuples autochtones au début de l’automne 1992.
10. Les rapports la Chambre des communes
Le Sénat ne devrait pas pouvoir censurer le gouvernement. Autrement dit, la défaite d’un projet de loi gouvernement au Sénat n’entraînera pas la démission du gouvernement.
11. Catégories de mesures législatives.
Il devrait avoir quatre catégories de mesures législatives :
1) les projets de loi traitant des recettes et des dépenses des (les projets de loi de crédits );
2) les projets de loi touchant de façon importante à la langue ou à la culture française;
3) les projets de loi supposant des changements d’orientation fondamentaux du régime fiscal directement liés aux ressources naturelles;
4) les mesures législatives ordinaires (tout projet de loi n’entrant pas dans l’une des trois catégories précédentes).
La classification initiale des projets de loi devrait être faite par la personne qui parraine le projet de loi. Sauf dans le cas des mesures législatives touchant de façon importante la langue ou la culture française (voir point 14), c’est le président de la Chambre des communes. qui. après avoir consulté le président du Sénat, devrait décider s’il y a lieu ou non d’accepter un appel.
12. Adoption des mesures législatives
La Constitution devrait obliger le Sénat à expédier tout projet de loi adopte par la Chambre des communes dans un délai de trente jours de séance de cette dernière, à l’exception des projets de loi traitant des recettes et des dépenses.
Les projets de loi traitant des recettes et des dépenses serait assujettis à un veto suspensif de 30 jours civils. Un projet de loi rejeté ou modifié par le Sénat au cours de cette période pourrait être adopté de nouveau au moyen d’un vote majoritaire de la chambre des communes tenu sur résolution.
Les projets de loi touchant de façon importante à la langue ou à la culture française devraient être adoptés par une majorité des sénateurs participant au vote et par une majorité des sénateurs francophones participant au vote. La Chambre des communes ne pourrait passer outre au rejet d’un projet de loi de cette catégorie au Sénat.
Les projets de loi supposant des changements d’orientation fondamentaux du régime fiscal liés directement aux ressources naturelles seraient rejetés si une majorité des sénateurs exprimant leur voix votaient contre. La Chambre des communes ne pourrait passer outre au vote du Sénat. La définition précise de cette catégorie de mesures législatives reste à déterminer.
Le rejet ou la modification d’un projet de loi ordinaire par le Sénat déclencherait un processus de séance mixte du Sénat et de la Chambre des communes. Un vote à la majorité simple en séance mixte déciderait du son du projet de loi.
Il conviendrait que le Sénat ait les pouvoirs énoncés dans le présent rapport. Le rôle actuel du Sénat à l’égard de l’approbation des modifications constitutionnelles ne serait pas changé. Sous réserve des modalités du présent rapport, les pouvoirs et les procédures du Sénat devraient faire pendant a ceux de la Chambre des communes.
Le Sénat devrait continuer d’avoir la capacité de présenter des projets de loi, à l’exception des projets de loi de crédits. Le rejet ou la modification par la Chambre des communes d’un projet de loi d’initiative sénatoriale déclencherait automatiquement une séance mixte.
La Chambre des commune devrait être tenue de se prononcer dans un délai raisonnable sur un projet et de loi approuvé pat le Sénat.
13. Les projet de loi traitant des recettes et des dépenses
Pour préserver les traditions parlementaires du Canada, il conviendrait que le Sénat de puisse pas bloquer le cheminement normal des mesures législatives touchant la fiscalité, les emprunts et les affectations de crédits.
I1 conviendrait de définir les projets de loi traitant des recettes et des dépenses ( projets de loi de crédit ) comme ceux portant uniquement sur les emprunts la collecte de revenus, les affectations de crédits et les questions afférentes. Cette définition devrait exclure les changements d’orientation fondamentaux du régime fiscal (comme la taxe sur les produits et services et le Programme énergétique national).
14. La double majorité
Il devrait incomber à l’auteur d’un projet et de loi d’indiquer s’il touche de façon importante à la langue ou à la culture française. Il conviendrait que l’on puisse appeler de cette indication au président du Sénat en vertu de règles qui seraient établies par le Sénat, et que celles-ci assurent une protection suffisante aux francophones.
Aux fins du vote à la double majorité, il conviendrait que les sénateurs soient tenus de déclarer, au moment d’accéder au Sénat, s’ils sont francophones. Tout processus de contestation de ces déclarations devrait être prévu dans les règles du Sénat.
15. La ratification des nominations
Il conviendrait que la Constitution précise que le Sénat devra ratifier la nomination du gouverneur de la Banque du Canada .
II conviendrait aussi de modifier la Constitution de façon a conférer au Sénat un nouveau pouvoir de ratifier d’autres nominations importantes faites par le gouvernement fédéral.
Le Sénat devrait être tenu de traiter toute nomination proposé dans un délai de trente jours de séance de la Chambre des communes:
Il conviendrait d’énoncer dans une loi fédérale, plutôt que dans la Constitution, les nominations qui devraient être ratifiées par le Sénat, y compris celles des dirigeants des institutions culturelles nationales et des dirigeants des commissions et organismes de réglementation fédéraux. L’engagement du gouvernement à déposer une telle loi devrait être consigné dans un accord politique.
Une nomination soumise pour ratification serait rejetée si une majorité des sénateurs exprimant leur voix votaient contre.
16. L’admissibilité au Cabinet
Les sénateurs ne devraient pas être admissibles au poste de ministre au sein du Cabinet fédéral.
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