CHAPITRE 7
LE RÉFÉRENDUM DE 1995
L’élection d’un nouveau gouvernement est toujours suivi d’une période « d’état de grâce » où tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Effectivement, pendant quelques semaines, tous les espoirs semblent permis. Mais la lune de miel est de courte durée. Croyant se concilier la faveur de certains segments de l’électorat, Jacques Parizeau prend des initiatives qui vont rapidement se retourner contre lui. Sa décision de confier des responsabilités officielles à son épouse surprend et en choque même certains. Lorsqu’il annonce avoir conclu une entente avec la Chambre de commerce de Québec pour louer une riche maison bourgeoise dont il fera la résidence officielle du premier ministre, son geste est immédiatement tourné en dérision et il traînera comme un boulet « l’Elysette » jusqu’à son départ. Mais au delà du trait d’esprit se profile déjà une critique sérieuse à l’endroit du leadership de Jacques Parizeau : n’est-il pas en train de se comporter comme si la souveraineté était déjà chose faite ? Autrement dit, agit-il en toute légitimité ? Comme nous sommes en période référendaire, la question revêt une importance primordiale.
Sur le plan fédéral, le gouvernement Chrétien n’a pas été capable de développer depuis qu’il est élu une proposition constitutionnelle qu’il pourrait soumettre au Québec. La difficulté réside essentiellement dans le fait que l’humeur du Canada n’est pas à l’accommodement et encore moins au prix d’une reconnaissance quelconque du concept de la société distincte. Tout effort qui irait dans ce sens serait irrémédiablement voué à l’échec. Le gouvernement Chrétien n’a donc pas d’autre choix que de se faire une vertu de son inaction. Malheureusement pour lui et le camp fédéraliste, cette attitude ne contribue en rien à combler leur déficit de légitimité au Québec qui s’est particulièrement creusé depuis les échecs de Meech et de Charlottetown.
Mais si le régime fédéral souffre d’un manque de légitimité, le pays lui-même, le Canada, continue de jouir d’une cote favorable auprès des québécois et ne semble pas trop souffrir, comme l’attestent les sondages, de cette carence. Les québécois aiment le Canada et ils préféreraient de beaucoup la réconciliation à la rupture.
En effet, il ne faut pas sous-estimer l’avantage permanent dont jouit le régime fédéral. Il est en place depuis 1867. Ses institutions fonctionnent, mal diront certains, mais elles fonctionnent quand même. La machine tourne, les affaires se transigent, les chèques, les licences et les permis sont émis, les impôts perçus. Les québécois ont appris à traiter avec lui et, mis à part les griefs que soulèvent invariablement toutes les bureaucraties et qui sont de toute façon plus nombreux à l’endroit de l’administration publique québécoise, ils sont plutôt satisfaits des services qu’il leur fournit. D’un côté, il y a donc ce que l’on connaît et de l’autre, il y a ce que l’on ne connaît pas.
Le rêve du pays a beau être présent dans le paysage québécois depuis des générations, particulièrement depuis les années 60 avec la formation du RIN [1] puis du PQ, il a longtemps été perçu comme une chimère à la légitimité douteuse. Il a fallu l’échec de Meech pour que l’on en vienne à le considérer comme une alternative réelle. Un premier ministre aux convictions fédéralistes bien connues, Robert Bourassa, et la commission la plus prestigieuse et indépendante que le gouvernement du Québec ait jamais mis sur pied ont reconnu sa légitimité.
La communauté internationale reconnaît le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et les québécois ont largement conscience de former à l’intérieur du Canada un peuple distinct ayant son identité propre. Ils ne comprennent pas l’obstination que mettent leurs concitoyens des autres provinces à ne pas reconnaître cette identité. Devant ce refus, ils sont en train de développer un vouloir-vivre collectif qui est essentiel à la réalisation du pays et à sa reconnaissance. Mais la question se pose de savoir si les minorités sont parties prenantes dans cette démarche.
Autre attribut requis pour former un pays, le territoire. Il est bien défini même si certains cherchent à entretenir des doutes sur la capacité du Québec à maintenir ses frontières dans l’éventualité où il se retirerait de la fédération canadienne, étant donné le rôle qu’a joué celle-ci dans la fixation et la reconnaissance desdites frontières et dans la mesure où il ne parviendrait pas à assumer un contrôle effectif sur tout son territoire. Cela démontre bien toute l’importance que revêtira pour la communauté internationale la possession par le Québec d’un territoire non contesté aux frontières bien définies lorsque viendra pour elle le temps de se prononcer sur sa reconnaissance comme état souverain.
L’usage généralisé du français au Québec constitue un important facteur de différentiation avec le reste du Canada. Il donne à ses revendications nationales un fondement culturel important, surtout si est démontrée la difficulté d’assurer autrement que dans un contexte de pleine souveraineté politique la survie et l’essor du fait français. Mais le gouvernement du Québec a aussi des responsabilités envers la minorité de langue anglaise, notamment en ce qui a trait à la protection de certains droits historiques en matière d’éducation et de services de santé. Qu’adviendrait-il dans un Québec souverain ?
Enfin, le fait que le Québec dispose déjà d’un appareil étatique bien développé constitue un avantage important sur le plan de l’effectivité éventuelle du contrôle qu’il sera en mesure d’assurer sur son territoire. Le moment venu, c’est un élément dont voudra s’assurer la communauté internationale avant d’accorder sa reconnaissance.
Si les éléments nécessaires à la formation d’un nouvel état souverain sont réunis et que le Québec possède les attributs d’un pays, il n’en demeure pas moins que l’électorat québécois ne voudra pas échanger la proie pour l’ombre en s’engageant sur cette voie sans pouvoir d’abord comparer les projets de société qu’ont respectivement à leur offrir le maintien du lien fédéral et un Québec souverain.
La Canada traverse, il est vrai, une période difficile sur les plans économique et politique. On peut même en toute légitimité s’interroger sur sa capacité à surmonter ses difficultés. La précarité de sa situation financière force la remise en question de ce que tous les canadiens, québécois y compris, prenaient pour des acquis sociaux. Nombre d’institutions auxquelles tous les Canadiens s’identifient sont en train d’être remises en question. D’autres sont carrément en train d’être démantelées. Mais le Canada ne semble pas être le seul pays dans cette situation. Ce dont les québécois sont assurés en maintenant le lien fédéral, c’est de voir leur condition demeurer grosso modo au niveau où elle se trouve alors, relativement au reste du Canada.
Qu’adviendrait-il dans un Québec souverain ? La réponse est loin d’être aussi facile. Toutes les factions du Parti québécois cherchent à imposer leur vision. La création d’un pays constitue pour certains l’occasion rêvée de corriger des « injustices », pour d’autres de témoigner de leur attachement à des valeurs plus humanistes, d’autres encore veulent en profiter pour réécrire l’histoire.
Les plus déterminés cherchent à « monnayer » leur appui à la souveraineté. Le gouvernement lui-même encourage ce comportement en ciblant certains groupes et en répondant à leurs revendications. Le premier ministre Parizeau est pourtant conscient du danger de trop s’avancer vers les uns ou vers les autres et de risquer ainsi de braquer la droite contre la gauche ou vice-versa. Il cherche à contourner la difficulté à l’occasion d’un conseil national du PQ au cours de l’automne 1994. Il déclarera dans un discours qu’au lendemain de la souveraineté, les québécois se retrouveront devant la démocratie québécoise, laissant ainsi entendre qu’il sera toujours temps alors de faire les grands choix de société auxquels tiennent les uns et les autres. Cette belle pirouette intellectuelle ne suffira cependant pas à faire taire ceux qui seraient prêts à voter OUI mais qui veulent en savoir plus avant de se commettre définitivement. On « réglera » le problème en invitant la population à participer à un processus d’information et à faire des suggestions au gouvernement sur le contenu d’une éventuelle déclaration d’indépendance, sur le modèle de la déclaration américaine, qui
« …Définira les valeurs fondamentales et les objectifs principaux d’une nation québécoise souveraine. Elle guidera la rédaction de la future constitution québécoise et pourra servir d’inspiration à l’action des Québécois et de leurs représentants pour des décennies à venir ».1
Malheureusement, même le souffle lyrique de Gilles Vigneault n’arrivera pas à masquer l’absence de vision qui se dégagera ultimement du préambule du projet de loi sur la souveraineté. Travaillant en comité multidisciplinaire, ses rédacteurs se sont contentés de faire écho à toutes les préoccupations qu’on leur a rapportées. Ils n’ont pas su prendre le recul nécessaire pour saisir en quelques mots la substance et l’esprit de la société québécoise de même que le sens des défis qu’elle aura à relever et les sources auxquelles elle puisera son inspiration, ce qu’avait su faire magistralement Benjamin Franklin2 en 1776. Dans les milieux d’affaires américains, on prétend qu’un chameau est un cheval dessiné par un comité. On peut en dire autant du préambule. C’est un texte plutôt pompier où s’entassent pêle-mêle images poétiques, notes historiques, voeux pieux et principes juridiques. A la veille du référendum, le projet de société qui servira à définir la nouvelle nation québécoise demeure encore une énigme pour la plupart des québécois et même une source d’inquiétude pour certains qui se sentent exclus de cette démarche collective. Le résultat est donc négatif sur le plan de la légitimité de l’option souverainiste.
Lors d’un référendum, la personnalité des leaders joue un rôle important, comme on l’a vu en examinant les circonstances du référendum de 1980. A cet égard, le référendum de 1995 ne fera pas exception. Si la formule des comités parapluie imposée par la loi sur les consultations populaires consacre le leadership de premier ministre Jacques Parizeau et du chef de l’opposition Daniel Johnson, les réalités politiques s’imposent et le camp souverainiste fera tout pour trouver le moyen de mettre en vedette Lucien Bouchard qui jouit d’une cote d’estime très élevée dans la population, encore plus grande depuis qu’il a surmonté avec une vitalité et un courage extraordinaires la terrible maladie qui avait failli l’emporter quelques mois plus tôt. Ce développement a de quoi laisser amer Jacques Parizeau qui sent le souffle de Bouchard dans son dos depuis l’élection de 1994 dont le résultat était loin d’être à la hauteur des attentes du camp souverainiste. Bouchard avait d’ailleurs laissé très ostensiblement paraître son insatisfaction à l’annonce des résultats. Depuis, les escarmouches entre les deux leaders se sont multipliées pour atteindre un point culminant lors du congrès d’orientation du Bloc Québécois du printemps 1995 où Bouchard a ouvertement défié l’autorité de Parizeau en réclamant une réorientation de la stratégie référendaire et l’ouverture d’une porte sur un partenariat économique et politique avec le reste du Canada. La brèche ouverte par Bouchard est si profonde et ses appuis si importants, même au sein du Parti Québécois et du conseil des ministres, que Parizeau, la mort dans l’âme, s’est résigné à prendre le virage qu’on lui impose. A la veille du référendum, voici encore qu’il doit céder la vedette à Lucien Bouchard en le désignant comme négociateur en chef lors des discussions qui s’ouvriraient entre le Québec et le Canada à l’issue d’un vote positif lors du référendum. Combien de voyages à Canossa ne serait-il pas prêt à faire pour atteindre son objectif ?
S’il constituait un hommage à la popularité de Lucien Bouchard, ce stratagème du camp souverainiste représentait aussi un désaveu à l’endroit de Jacques Parizeau. A plusieurs reprises depuis l’élection du PQ, celui-ci avait eu des mots malheureux qui avaient plongé son camp dans l’embarras et, à quelques occasions, son comportement était apparu bizarrement erratique, ce qui avait alimenté dans tous les milieux des spéculations dommageables pour son image et pour la cause qu’il avait à défendre. Fort heureusement, Bouchard compensait largement pour les défaillances de Parizeau que ses propres troupes commençaient à critiquer sévèrement malgré les manifestations publiques d’appui.
Dans le camp fédéraliste, le rôle qu’a joué le premier ministre Jean Chrétien lors du rapatriement de 1981 et l’impopularité générale qui s’en est suivie laisse une assez grande marge de manoeuvre à Daniel Johnson. Cependant, celui-ci parvient difficilement à faire oublier ses déclarations de 1994 lorsqu’il a dit se sentir d’abord Canadien avant d’être Québécois et rajouté, en pleine campagne électorale, ne pas voir la pertinence de faire respecter la loi 101. Cela amène les Québécois à douter de sa loyauté envers le Québec.
On voit donc que la question de la légitimité de leur leadership se pose tant pour Chrétien que pour Johnson et leur option n’a donc pas pu bénéficier de l’effet de halo qu’aurait pu avoir la présence de deux personnalités très populaires.
Comme on a eu l’occasion de le découvrir plus tôt, la transparence du processus politique va également avoir une influence sur la perception que les électeurs vont se faire de la légitimité d’une option. S’agissant d’un référendum québécois, le gouvernement fédéral est placé sur la défensive. S’il répondra aux attaques directes, il va surtout chercher à influencer l’opinion par la publication opportune d’études dont il se trouve à avoir indirectement financé la réalisation, certains centres de recherche universitaire ou privés canadiens étant trop heureux de se prêter à ce jeu qui leur permet de toute façon d’exprimer leurs propres convictions et de tenter d’influencer le cours des événements au Québec dans le sens de ce qu’ils perçoivent être leur intérêt.
Au Québec-même, les fédéralistes doivent d’abord composer avec les études que les libéraux avaient commandé et qu’ils ont refusé de rendre publiques du temps où ils étaient au pouvoir. De qualité très inégale, le fait qu’elles n’aient pas été effectuées selon une méthodologie unique en rend les conclusions peu fiables. Dans ces conditions, on se demande ce que les libéraux pouvaient bien avoir à cacher d’autre que leur propre faiblesse pour ne pas les avoir rendues publiques. Le Premier ministre Parizeau a promis aux québécois des études sur la faisabilité de la souveraineté. Il ne veut pas se retrouver dans la situation de 1980 où la campagne référendaire a commencé dans l’enthousiasme pour s’abîmer dans les chiffres par la suite. Il souhaite plutôt voir le contraire.
La première question qui se pose est celle de l’objectivité des conclusions. M. Parizeau ne veut pas d’un processus comme celui de la Commission Bélanger-Campeau qu’il trouve trop lent et trop lourd et sur lequel il pourrait perdre le contrôle. Malgré tout, le besoin d’obtenir une caution externe pour donner de la crédibilité au processus des études amène d’abord le Secrétariat à la Restructuration à envisager de faire réaliser des études sous l’autorité d’un comité de « sages » qui garantiront l’intégrité du processus. Certaines personnalités3 sont approchées mais se désistent après avoir manifesté initialement leur intérêt. Les consultations qu’elles ont faites dans leur entourage tout autant que l’inquiétude de se retrouver « récupérées » dans un processus partisan sur lequel elles n’auraient pas de contrôle les incite à se tenir loin d’une telle opération. Quant à lui, le Bureau du premier ministre ne voit pas du tout d’un bon œil la possibilité de devoir partager avec des tiers le contrôle sur une opération aussi vitale. Malgré que d’autres personnes se soient déclarés disponibles, l’idée sera abandonnée. Mais l’objectivité du processus et la fiabilité des résultats seront constamment mis en doute, ce qui nuira à l’établissement de la légitimité de l’option souverainiste malgré des efforts réels pour produire des informations solides et dignes de foi, avec l’aide de certains des meilleurs experts au Québec et à l’étranger.
Par ailleurs, c’est Jacques Parizeau lui-même qui soulèvera le plus de doutes sur la transparence de son processus lorsqu’il annoncera aux médias avoir trouvé une « astuce » pour enclencher la démarche référendaire, en l’occurrence la stratégie de l’avant-projet de loi. Les observateurs sont prompts à s’interroger sur ses motifs de recourir à un tel procédé. S’il juge nécessaire de le faire, est-ce dans le but de tromper la population ? Est-ce une façon d’obtenir par un moyen détourné quelque chose qu’il ne pourrait pas obtenir en agissant selon les règles ? En voulant se montrer rusé, il vient de légitimer le refus de l’opposition de participer aux travaux des commissions régionales dont il a annoncé la mise sur pied en rendant public l’avant-projet de loi sur la souveraineté. Bien entendu, l’absence de l’opposition à ces commissions régionales aura pour effet de faciliter certains débordements partisans du camp du OUI. Malgré tous les efforts que fera Jacques Parizeau pour donner de l’importance aux travaux de ces commissions et à leurs conclusions, il sera incapable d’en vendre la crédibilité. Non seulement les commissions n’ont-elles rien contribué à la légitimité de l’option souverainiste, mais elles se trouvent à lui en avoir enlevé.
C’est encore Jacques Parizeau qui portera le coup le plus dur à la stratégie référendaire de son propre camp. Au lendemain de la conclusion de l’entente par laquelle le Parti québécois, l’Action démocratique du Québec et le Bloc québécois se sont entendus pour offrir un nouveau partenariat économique et politique au Canada après une victoire du OUI, il rencontre à huis clos les ambassadeurs de l’Union européenne devant qui il compare les québécois à des homards sur le point de se faire piéger. Une fois qu’ils auront voté OUI à la souveraineté, ils ne pourront plus reculer, quelque soit le sort ultime du projet d’association avec le Canada.
La question importe peu de savoir si M. Parizeau était conscient de tout le mépris que pouvait charrier cette métaphore et s’il avait vraiment l’intention de piéger les québécois à l’occasion du référendum. Lorsque ses propos sont rendus publics à la suite d’une fuite qui tombe à point nommé pour le camp fédéraliste, l’affaire fait grand bruit. Les dénégations des souverainistes et l’intervention de certains ambassadeurs européens pour tenter de minimiser la portée de l’incident ne parviendront pas à dissiper l’impression de plus en plus répandue que leur démarche ne répond pas aux exigences de l’éthique dont on sait combien elle est une des valeurs à partir desquelles se forment les perceptions sur la légitimité.
A cet égard, il faut aussi souligner le comportement du gouvernement lors de son arrivée au pouvoir et à l’occasion du budget pré-référendaire. En l’espace d’au plus deux semaines, les estimés initiaux du déficit laissé par les libéraux présentés au Conseil des ministres ont grimpé de quelque chose comme 600 millions de dollars sans que la moindre information ne soit fournie pour expliquer cet écart qui soulevait à tout le moins de sérieuses questions sur la qualité de l’administration et des systèmes d’information au ministère des finances. Quelques mois plus tard, lors du dépôt du budget, on apprend que les prévisions de recettes sont basées sur des projections de croissance économique exagérément optimistes. Dans les deux cas, la marge de manoeuvre financière du gouvernement s’en trouvait sensiblement accrue, ce qui constituait un avantage stratégique important en période pré-rédérendaire. S’il est courant pour un gouvernement qui entre en fonction de chercher à noircir la performance du gouvernement sortant et si tous les gouvernements du Canada ont surestimé pendant plusieurs années le rythme de croissance de l’économie, le contexte financier de 1995 ne permettait plus de le faire et seul le Québec se permettait encore ce luxe. Ce ne serait pas si grave si l’on n’avait pas su que cela aurait nécessairement pour effet de forcer le gouvernement à des coupures encore plus draconiennes par la suite, d’abord, bien sûr, au détriment du niveau des services à la population, mais aussi du niveau d’activité économique au Québec dans les années subséquentes. Était-il légitime pour le gouvernement de subordonner l’intérêt collectif à la poursuite d’un objectif politique dont il ne savait pas encore s’il correspondait à la volonté de la majorité ?
La même question peut se poser au sujet de la décision annoncée par Jacques Parizeau dans les premières semaines de son mandat de suspendre les projets de développement hydro-électrique, sans même consulter son ministre des richesses naturelles et sans en informer au préalable le Conseil des Ministres. Sur le plan tactique, cette décision a l’avantage d’enlever aux « autochtones » une bonne part de l’emprise qu’ils ont sur le gouvernement du Québec. Mais cette décision correspond-elle au meilleur intérêt des Québécois ? C’était loin d’être évident à l’époque et cela l’est encore moins aujourd’hui quand on examine les nouvelles perspectives de marché offertes par la déréglementation en Amérique du Nord.
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