le 14 janvier 2004


Ce dialogue analyse un document préparé par Mansour pour ses compatriotes algériens en vue de l’implantation d’une vraie démocratie en Algérie.

Le 14 janvier 2004

Mansour: J’ai préparé, durant le temps des fêtes, un document qui s’intitule «QU’EST CE LA DÉMOCRATIE POUR L’ALGÉRIE» que je veux distribuer à mes amis et à un plus grand nombre d’Algériens possibles. J’aimerais bien que tu me le commentes. Le voici:

Préambule

Avec non seulement les élections qui sont programmes pour le mois d’avril prochain, mais aussi tous les événements politiques de ces derniers mois dans notre pays, il est peut être le temps de nous poser les questions les plus fondamentales avant de nous demander qui doit gérer notre pays pour quelques années de plus.

Tout d’abord, nous devrions enfin reconnaître que les événements du 5 octobre 1988 n’était pas uniquement une manipulation politique qui a mal tourné, mais plutôt un signe important du malaise dans lequel notre people s’est retrouvé après plus de 20 ans d’indépendance politique. N’est-ce pas déjà à cette période que nous avons commencé à entendre des slogans comme la hogra ou la malvie ? Mais qu’avons nous fait depuis pour justement répondre à toutes les soifs populaires qui étaient déjà apparentes depuis les événements d’octobre 1988. On nous a dit à maintes reprises que le people algérien était assoiffé de liberté politique et qu’il demandait aussi des réformes économiques fondamentales pour enfin ramener l’Algérie dans la mouvance mondiale qui préparait déjà la mondialisation de l’économie. Est-ce que nous avons réellement installé un système politique où la démocratie pouvait enfin prendre racine dans notre pays ? Mieux encore, est-ce nous avons réellement transformé notre système économique pour tout d’abord permettre au génie individuel des algériens de s’exprimer en toute liberté ? Où sont ces forces économiques du privé qui allait enfin remplacer l’état dans la création des richesses du pays tout en permettant une meilleure distribution du revenu national ? Où est donc cette nouvelle classe moyenne indispensable à toute reforme économique et même politique que nous attendions depuis des décennies ? N’est-il pas tout de même désolant de se rendre compte que la classe moyenne a connu en fait de meilleurs jours durant la période du parti unique que durant la période des années 90 et 2000 où on nous a gargarisé avec les valeurs de l’individu ? On a en fait éliminé toute une classe sociale moyenne qui commençait à se développer durant les années 60-70. Les meilleurs cadre de l’État qui ont sacrifié toute leurs vies pour lui et qui ont servi loyalement se retrouvent aujourd’hui mis en quarantaine économiquement et même socialement. Quand un directeur d’administration centrale se retrouve après plus de 30 ans de services à l’État dans une situation où il ne peut même pas se payer une voiture d’occasion et encore moins un téléphone à la maison, il y a certainement quelque chose qui ne va pas avec nos valeurs sociales et morales.

Claude: Cela est une très bonne entrée en matière qui reflète des idées vraies.

Mansour: Avant de parler de valeurs morales et sociales nécessaires pour permettre à la démocratie de se développer chez nous il serait peut être important de nous poser la question du rôle de l’état lui même dans ce processus de démocratisation en Algérie. Malheureusement, trop souvent nous confondons l’état avec notre passé politique marqué par le pouvoir d’un parti unique. Nous pensons que toute démocratie est fondamentalement l’ennemi d’un état central fort et d’une administration capable de faire respecter les lois du pays tout en faisant respecter. Mais la réalité est tout autre. Aucune démocratie ne s’est imposé a travers le monde avec un état central faible. C’est en fait la puissance de l’état qui a toujours permis non seulement l’arrivée au pouvoir d’un système démocratique mais surtout l’approfondissement des valeurs démocratiques à travers des siècles dans certains pays. C’est grâce au renforcement du pouvoir fédéral aux USA que les valeurs démocratiques de ce pays ont continué à se renforcer avec le temps. Tous les États démocratique ont un document central qui résume toutes les valeurs morales et sociales de leur société- une charte nationale ou une constitution. Or, c’est ce qui nous manqué à ce jour en Algérie. Bien sûr, nous avons déjà trois constitutions dites nationales, mais elles ont toutes été conçues dans l’opacité la plus absolue et ont toutes eu comme raison d’être de service une seule personne, à savoir le président en exercice. N’est- ce pas le temps de donner enfin une chance à l’Algérie de définir sa propre constitution nationale, autour d’une table où toutes les tendances politiques sont présentes, et où enfin le people sera le juge final du document proposé par cette élite politique ?

Claude: Très bien. Je retrouve dans ton texte beaucoup d’idées que nous avons échangées depuis quelques années. Pourquoi ne pas proposer la convocation des États-Généraux de la nation algérienne où toutes les tendances, les intérêts, les politiques seraient représentés. Une des premières propositions de cette grande conférence nationale pourrait être justement le grand besoin d’écrire une vraie constitution pour le pays pour le relancer et permettre à chaque Algérien de vivre en liberté avec tous les droits normaux d’un être humain.

Mansour: Et si on croit sincèrement que la démocratie politique est le meilleur système politique pour l’avenir de notre pays nous devrions nous poser quelques questions fondamentales qui devraient tout de même guider tous les articles qui constitueront les fondements de notre nouvelle constitution. Il ne fait pas de doute que cette constitution devrait tout de même prendre position vis-à-vis d’un ensemble de valeurs qui sont toutes présentes dans les constitutions démocratiques du monde entier aujourd’hui. Ces questions sont énumérées sans classification par importance ci- dessous.

1-Liberté individuelle. N’est-ce pas le devoir de toute constitution de définir aussi clairement que possible ce concept qui est universellement accepté, en général ? Qu’est-ce que la liberté individuelle doit contenir pour notre société en particulier ? Parmi tous les problèmes que ce concept peut contenir il ne fait pas de doute que pour ce nous concerne en Algérie, le problème de la femme algérienne dans notre société reste posé a tout point de vue. Est-ce que nous devons accorder tous les droits que l’homme algérien attend de cette constitution à la femme algérienne? Si oui, n’est-il pas temps de dénoncer ouvertement le code familial qui gère la femme algérienne depuis les années 80 en particulier ? Est-ce que la femme algérienne sera toujours condamnée a demander à son mari qu’elle a déjà divorce pour sortir son enfant du territoire algérien par exemple ? Et les droits des enfants en Algérie ? Est-ce qu’ils doivent continuer à être protégé par l’état tout au moins du point de vue de son éducation ? Est-ce qu’un parent a le droit de punir son enfant comme il ou elle le veut ? Sur le plan social et religieux, est-ce que l’algérien a le droit de choisir sa religion. Est-ce qu’il a le droit de s’organiser au sein d’un syndicat pour se défendre économiquement ? Est-ce que l’algérien est libre de s’associer a quiconque aussi bien du point de vue politique que social ou même culturel. Et la liste est illimitée… Mais n’est-il pas temps pour notre société de se pencher sur ce genre de problèmes et les régler une bonne fois pour toute à travers les principes proposés dans cette nouvelle constitution.

Claude: Cela fait beaucoup de questions. Je vois à ce que tu veux en venir. Tu veux faire réfléchir le lecteur sur ces questions vitales pour les individus. Il y a aussi la liberté de parole, la liberté d’assemblée, la liberté d’être candidat, etc…

2-Il ne fait plus de doute que l’Algérie sera à jamais une république. Mais quel type de république ? Doit-on suivre l’exemple de la France par exemple et ne donner de pouvoirs économiques, juridiques, éducationnels et autres qu’au pouvoir central ? Où devons-nous rouvrir ce chapitre et se demander s’il n’y a pas une autre organisation de la nation algérienne qui servirait le bien de tous les citoyens bien mieux que maintenant ? Compte tenu de notre tradition d’organisation sociale bâtie autour de grandes tribus, ne serait-il pas mieux d’avoir un état bien plus décentralisé qu’il ne l’est aujourd’hui ? Pensons en particulier au système éducatif du pays. Ne serait-il pas plus efficace si ce système était remis dans les mains des responsables locaux qui sont, après tout, bien plus proches des populations concernées que les responsables d’un ministère national de l’éducation ? N’est-il pas plus facile de régler tous les problèmes culturels qui ont paralysé notre pays depuis déjà trop longtemps avec une décentralisation des responsabilités de l’État ? La seule question de la culture berbère n’aurait jamais atteint les dimensions qu’elle a atteintes aujourd’hui si nous avions une administration fortement décentralisée depuis 1962.

Claude: Est-ce bien toi qui parle? Le mot et la suggestion de décentralisation dans ta bouche, quelle évolution! Je suis heureux que tu y sois rendu et je veux prendre le crédit de t’avoir amené là, avec d’autres évidemment. Le Canada est un bon exemple à citer pour défendre cette thèse.

3-Liberté d’association. Comment peut-on continuer à croire à une liberté d’association, aussi bien politique que sociale ou culturelle en Algérie, quand toutes les associations et les membres actifs de notre société sont dépendants financièrement des largesses du régime en place ? Est-ce que la démocratie est possible dans un tel cas ? N’est-il pas, par exemple, temps d’interdire toute intervention directe ou indirecte du régime dans la vie politique ou syndicale dans l’avenir. Il est temps que les partis politiques en Algérie commencent à vivre dans la limite de leurs ressources financières. Si un parti politique n’arrive pas à se financer c’est qu’il est tout simplement incapable de mobiliser les populations qu’il prétend défendre. Il est temps d’enlever ce voile derrière lequel tous les partis politiques d’aujourd’hui se cachent. Et ce n’est qu’à partir de ce moment là que nous finirons par avoir de vrais partis politiques en Algérie.

Claude: Tu as raison, mais le gouvernement pourrait instituer que les dons aux partis politiques sont déductibles d’impôts. Ici, au Canada, cela a aidé les partis politiques à ramasser les fonds nécessaires à leurs actions et leur survie, car sans cette motivation pour les donateurs, les partis politiques qui survivent sont ceux financés par les grandes corporations ou les entrepreneurs, souvent véreux, et cela n’est pas sain. Il faut limiter le montant du don pour qu’il ne devienne pas un instrument de chantage ou de patronage. En période électorale, le gouvernement pourrait financer sur la base des résultats obtenus par les partis politiques, par exemple: fixer pour le remboursement un minimum de vote, disons 15%, et rembourser les dépenses encourues selon le nombre de votes recueillis par chaque parti.

4-Liberté de la presse. Il ne fait de doute que nous ne pouvons pas aspirer une démocratie respectable sans une presse libre. Et pourtant à ce jour notre presse est d’une manière ou d’une autre avec un fil à la patte. Il ne faut pas oublier que toute notre presse reste largement subventionnée d’une manière ou d’une autre. N’est-il pas temps d’arrêter cette mascarade et commencer a créer les conditions nécessaires pour la création d’une presse réellement indépendante ?

Claude: Cela est fondamentalement nécessaire, important et pressant.

5- Une justice indépendante. Voilà un slogan que nous avons entendu depuis pratiquement les années 90. Mais à ce jour nous continuons à avoir le même système de justice que nous avons hérité de la période du parti unique. À ce jour, les juges aussi bien que les avocats sont encore dépendants du régime qui les emploie à son plaisir. La dernière décision concernant le FLN ne fait que nous rappeler de tout le chemin que nous devons encore parcourir pour enfin avoir un système juridique en Algérie qui a le respect de la majorité de notre société.

Claude: Oui, tu as raison et la décision de Bouteflika en rapport avec le flan est révoltante. Il ne fait que ce qu’il a appris dans le passé. Il faut changer cette culture et assurer que tout algérien est égal devant la loi, Bouteflika compris.

6- La réforme économique. Ce qui est très décevant, c’est que malgré les intentions annoncées très haut par tous les gouvernements algériens depuis pratiquement le 5 octobre 1988 et même avant cette date, nous continuons a avoir un système économique aussi dépendant des pouvoirs politiques (officiels qu’occultes). Il ne fait pas de doute que nous avons toujours un potentiel économique privé et productif très important. Malheureusement, tous les pouvoirs qui ont géré les affaires économiques de notre pays ont préféré supporter les activités d’importation aux activités de production. Le résultat de cette stratégie a été une situation désastreuse du point de vue de la situation de l’emploi dans notre pays. Malgré des recettes d’exportations de plus de 24 milliards de dinars, notre économie en 2003 n’a pas été meilleure que les économies du Maroc ou de la Tunisie. Il faut tout de même se poser la question des tragiques résultats de notre économie nationale malgré des conditions internationales des plus favorables. Il ne fait pas de doute que nous avons besoin non seulement de revoir les lois qui gèrent notre économie mais aussi de revoir notre système juridique qui est justement supposé défendre ces lois économiques mises en place.

Claude: Ceci est de première importance pour créer l’emploi et pour la liberté d’entreprise. Il faut favoriser la croissance de l’entreprise privée. Avec elle, vient les emplois, l’initiative, la compétition, la qualité, le service, etc…

7- La réforme de l’administration centrale du pays: Il ne fait pas de doute que tant que nous aurons une administration centrale de plus en plus désorganisée et incapable de répondre à ses fonctions que nous n’allons pas faire de progrès dans les autres domaines aussi importants qu’ils soient. Et on revient en fin de compte au point de départ. Comment amener notre pauvre pays sur la voie d’une démocratie qui répondrait aux besoins réels des populations sans un état responsable avant tout. C’est pour cela que nous pensons que les prochaines élections présidentielles nous donnerons une bonne fois pour toute les éléments nécessaires pour vraiment nous engager comme jamais par le passé et décider d’un nouveau président prêt a s’attaquer aux problèmes fondamentaux qui affligent notre peuple depuis des générations déjà.

8- N’est-il donc pas temps de demander à tous les candidats à la présidence de nous donner clairement leur programme d’avenir en rapport avec les sérieux problèmes que vit notre société d’aujourd’hui ?

Claude: Oui, qu’ils donnent leurs programmes et qu’on les grillent à la télé et en conférence de presse pour savoir la profondeur et la sincérité de leurs convictions. Par contre, cela nécessite une élection libre avec des candidats libres de parler et cela ne peut être assuré que par une constitution qui garantit la liberté de chacun. Je crois que ton projet est bon mais mérite d’être travailler encore. Il faut éliminer ce qui semble être de la politique par rapport avec l’administration existante et maintenir le texte à un haut niveau impartial. Ceci est important car il s’agit d’adopter une constitution nationale pour protéger chaque citoyen et assurer le développement du pays.

Bonne chance et à bientôt.