Que ferons-nous ?


Que ferons-nous, ma douce Mie,
Lorsque seront loin nos vingt ans
Et que viendra l’heure où l’on prie,
En noir, à la façon d’antan.
Quand sonnera, crépusculaire,
Dans les vieux décors calfeutrés,
L’heure figée des luminaires
Des bibelots et des portraits.

Que dirons-nous, ma douce Mie,
Quand seront morts nos passereaux,
Et ces oiseaux de Barbarie,
Cousins lointains de l’étourneau.
Lorsque les cages seront vides
Et qu’il ne nous restera plus
Que quelques plumes, les perfides,
Pour chanter les temps révolus.

Que boirons-nous, ma douce Mie,
Lorsque seront vides nos fûts,
Ceux d’Aquitaine et de Fleurie,
Comme ceux de clos moins connus.
Quand tourmentés par la froidure,
Nous chaufferons nos vieilles mains
Sur des chenets de triste augure
Portant des branches de sapin.

Que lirons-nous, ma douce Mie,
Lorsque nos yeux ne verront plus
Les trésors et l’imagerie
Sur le vélin et le jésus.
Lorsque tremblant comme en un rite,
Dans l’ombre des feuillets jaunis,
Nous tenterons que ressuscite
L’essaim des souvenirs ternis.

Que ferons-nous, ma douce Mie,
Lorsque seront loin nos vingt ans,
Et que viendra l’heure où l’on prie,
En noir, à la façon d’antan