Madeleine et Pierre-Paul


À l’été 1953, Pierre-Paul installe des haut-parleurs dans la cuisine d’une cliente, une dame Guèvremont, qui organise une fête pour célébrer son propre anniversaire de naissance. Elle a retenu les services de Pierre-Paul parce qu’elle sait qu’il est le fils de son ancienne coiffeuse Antoinette et qu’il œuvre en électronique. Son mari, professeur d’école, connaît aussi Charles-Émile à cause de ses activités politiques. Elle travaille chez Northern Electric, au coin des rues Guy et Notre-Dame à Montréal et a comme collègue de travail une jeune fille de 16 ans qui agit comme commis de bureau. C’est Madeleine Gendron. Elle est le cinquième enfant de la famille de 11 enfants de Rosaire Gendron et Helena Roy et vit chez ses parents à Ville Lasalle. Madame Guèvremont l’invite à sa fête. Elle demande aussi à Pierre-Paul de venir car elle est proche de ses sous et croit que c’est un bon moyen pour ne pas le payer. C’est dans ces circonstances que naît l’amour de Pierre-Paul et Madeleine.

Ils commencent leurs fréquentations sous l’œil sévère de la mère de Madeleine. A cause de son jeune âge, celle-ci veut la protéger. Pierre-Paul doit la reconduire chez elle, le soir de sortie, avant 23:00 car Madame Gendron regarde de près le cadran. Après l’avoir ramenée chez elle, Pierre-Paul descend à l’hôtel York sur la rue Notre-Dame pour y rencontrer ses meilleurs amis Rolland Gosselin et Jérôme Bourque. Ils aiment prendre ensemble des shakers et aller danser avec les filles mais cela cesse dès que les fréquentations avec Madeleine deviennent sérieuses.

En septembre, Pierre-Paul veut partir à son compte et, comme il n’a pas les moyens de payer un loyer et les frais attenants, Charles-Émile l’invite à s’installer dans la partie arrière du local de Service Realties où il y a une pièce inoccupée. Pierre-Paul accepte. Dans un premier temps, il va acheter une feuille de plywood 4 pieds par 8 pieds pour faire sa table de travail et apporte ses quelques équipements et outils de la maison. Il commande une petite enseigne sur laquelle il fait inscrire son nom de commerce, Dupras Television et tous les renseignements pertinents. Claude lui souligne qu’il n’y a pas un mot en français. Pierre-Paul, surpris,affirme «c’est comme çà partoutet de toute façon c’est trop tard car je n’ai pas l’argent pour la refaire». Il part en affaires, sans le sou et sans client.

À la recherche d’une clientèle, Pierre-Paul pense à visiter les marchands des magasins de meubles de Verdun et de Saint-Henri pour leur offrir de faire l’installation des téléviseurs qu’ils vendent. Il propose de livrer chaque appareil à la maison de l’acheteur et d’en faire l’ajustement afin que le client soit satisfait. Deux marchands acceptent: Abel Furniture et Johnston Furniture de Verdun. Ils lui donnent de l’ouvrage et en peu de temps, il a tellement de commandes qu’il ne peut suffire. Mais qu’importe, il est jeune, sans le sous et le temps est au travail et à mettre de l’argent de côté afin un jour d’avoir son propre grand magasin spécialisé en électronique. Il travaille seul de longues heures et rentre le soir harassé de fatigue et éreinté. Il doit souvent transporter les lourds appareils de télévision à des logements situés au deuxième et troisième étage de maisons et les escaliers d’accès sont souventes fois étroits. Heureusement, il a une bonne constitution physique et est très fort. «Fort comme un cheval» aime à répéter Charles-Émile qui raconte ses exploits à Claude qui est tout émerveillé. Après quelques mois, il s’achète une fourgonnette de couleur vert foncé et la fait identifier clairement Dupras Television d’un côté et Dupras Télévision de l’autre avec toutes les informations en langue anglaise et en langue française. Claude est heureux lorsqu’il constate cela. Pierre-Paul est en affaires.